Plaidoyer pour la cohésion nationale au Congo-Brazzaville

Le pays s’empêtrait dans la crise, mais on jouait à l’autruche jusqu’au 14 Aout 2017 lorsque, ne pouvant plus avancer, le Président SASSOU-NGUESSO, toute honte bue et toute vanité dépouillée, a avoué l’état de délabrement avancé des finances publiques et a annoncé que l’unique voie de sortie de ce marasme est l’entrée en programme avec le Fonds monétaire international (F.M.I). Il ne faut donc pas avoir arpenté les couloirs de la Sorbonne, Polytechnique ou Sciences Po pour déduire qu’on était devant un aveu d’échec des politiques conduites par le pouvoir en place tant, faire appel au FMI, c’est reconnaître que l’on est sorti des arcanes de l’orthodoxie financière, de la bonne gouvernance car le FMI, c’est la rigueur, la discipline financière, le contrôle des déficits…

Mais la venue du FMI au CONGO, pays habitué à vivre de slogans, est devenue la panacée aux problèmes (politiques et économiques) du pays : Pour le pouvoir, le FMI va permettre de garder la tête hors de l’eau en attendant des jours meilleurs tout en ignorant les sacrifices à consentir, mais surtout en caressant l’idée des prochaines chevauchées solitaires dans l’exercice du pouvoir. Pour l’opposition, le FMI offre l’occasion de régler le problème politique du pays tout en caressant une idée : les mesures draconiennes du FMI finiront par exaspérer le peuple congolais qui, peut- être comme en 1963 ou 1991, va exiger et obtenir le départ du Président de la République. Mais qu’adviendra-t-il du CONGO lorsque le FMI aura fait ci ou aura fait çà ? D’ailleurs, qu’est ce que le FMI ? Pourquoi et comment intervient-il ?

Le FMI a été crée en 1945 par John Maynard Keynes et Harry Dexter White et compte 189 pays membres dont le CONGO. Son but est de promouvoir la coopération monétaire internationale et garantir la stabilité financière pour éviter toute crise financière ou monétaire pouvant déséquilibrer le système monétaire international d’après guerre. S’il a permis la reprise des économies de l’occident à travers le plan Marshall, il a aussi contribué à la division du monde en deux blocs (Ouest et Est). L’Est a refusé l’aide et s’est développé de manière autonome. De nos jours, son principal rôle est devenu le développement du commerce mondial et surtout la garantie de la solvabilité des pays confrontés à une crise financière, afin d’éviter les dommages collatéraux sur le système financier international. Il accorde des prêts aux pays en difficulté afin de les accompagner dans le remboursement de leurs créances et éviter autant que possible l’instabilité du marché financier. Il propose aussi son expertise financière et aide aux reformes des pays en difficulté comme le CONGO.

Dans la panoplie de types de prêts que consent le FMI, le mécanisme élargi de crédits et/ou la facilité de crédit rapide semble le mieux adaptés au cas du CONGO. Tout est dit. Le FMI ne fait pas comme les « restaurants du cœur », son aide est intéressée, son objectif est d’éviter le désordre financier comme ce fut les cas des crises du Mexique et de l’Argentine. Les problèmes internes, tant la stabilité financière internationale est garantie, sont considérés comme quantité négligeable. C’est bien compris donc que le FMI signera avec le CONGO, nonobstant les problèmes politiques réels qui s’y posent.

Cette fois-ci, et ce n’est pas la première fois et certainement pas la dernière fois, si la classe politique a toujours la mémoire courte. Cette classe qui ne se rappelle pas que dans un passé récent de notre histoire économique, que ça soit sous le parti unique ou sous le frémissement démocratique, la coopération CONGO-FMI a toujours été « excellente ».

En effet, en 1985-86, le plan quinquennal adopté par le gouvernement Sassou-Nguesso 1 connait un « glissement ». Le FMI fut sollicité et un programme d’ajustement structurel fut signé (PAS) mais s’avéra peu concluant à cause des dérives dans la gestion. Un PAS renforcé fut négocié, ce qui fit dire à Javier Perez de Cuellar en 1987 que le CONGO n’avait que « de problèmes de gestion ».Après, la glasnost et la perestroïka ayant pris le dessus sur le régime soviétique, le discours de la Baule de MITTERAND ouvrit le chemin à la conférence nationale souveraine qui emporta le parti unique. Des conditions et des hommes étaient réunis au bon endroit et au bon moment. Le gouvernement de transition d’André Milongo se frotta aussi aux conditionnalités du FMI. Les mois furent allongés de 15 jours, et trois mois de salaires impayés furent constatés à la fin de la transition en 1992. Le premier gouvernement du Président Lissouba connut aussi, entre autres, les affres des conditions du FMI. L’actuel premier alors ministre des finances fut relevé de ses fonctions pour, parait il, son manque de poigne dans la recherche de crédits-relais. Son successeur les leva auprès d’OXXY, ce qui permit la négociation avec les sociétés pétrolières en meilleur position, en obtenant le partage de production, même si le CONGO fut rattrapé. Mais les perspectives heureuses qui s’annonçaient seront stoppées avec la situation du 5 juin 1997 qui ramena le président Sassou-Nguesso au pouvoir, lequel Président se retrouva confronter au même problème financier. Il arriva à garder la tête hors de l’eau, en grande partie, grâce au ministre ANDELY qui géra avec toute la rigueur et la discipline budgétaire en balisant le chemin ayant conduit au « statut envié » de pays pauvre très endetté (PPTE).Pour ce faire, on lui attribua le surnom de « MOKONGO ya BOUNDJI ». La leçon à tirer ici est que lorsqu’on gère selon les règles de l’art, on peut se passer du FMI.

De ce qui précède, il est constant que le CONGO patauge dans une double crise, Il lui faut passer un accord avec le FMI et que ce dernier ne le lâchera pas, les problèmes politiques ne le freineront pas tant qu’il accompagnera le CONGO et obtiendra le remboursement des créanciers. Aussi, les congolais doivent faire preuve, non seulement de rigueur ou de discipline financière, mais de jugeote pour sortir rapidement de la situation. Le FMI ne nous aidera à sortir de cette mauvaise passe qu’en ayant à l’esprit que rien de grand ne peut se faire qui ne découle du génie du peuple lui-même comme l’annonçait déjà BOUDDHA « l’esprit instable et dispersé, ignorant la vraie doctrine, aimant la flatterie, ne sera jamais mûr pour la sagesse ». C’est pourquoi :

-les partis de l’opposition congolaise, la chaude (Munari, Bowao, Ndzon…) ; la tiède (tsaty-Mabiala, Anguios…) comme la douce (Kignoumbi, Filla Nick…), ont le verbe haut mais sont chiche de contributions, alors que c’est le binôme pouvoir/opposition qui fonde la démocratie pluraliste, et chacun là où il est, participe au fonctionnement de la cité. Ce n’est pas malin de penser que les difficultés actuelles vont s’estomper avec le départ du Président Sassou-Nguesso et que le moment est venu de s’agiter pour un « ôte-toi de là, que je m’y mette ». Le dialogue tant réclamé n’aura pas de sens si c’est seulement pour se précipiter à la « mangeoire nationale ». C’est en faisant des propositions censées que l’opposition sera prise au sérieux et aura pris date pour les élections futures.

-Le pouvoir et celui qui l’incarne, le Président Sassou-Nguesso ne doit pas prendre le « nudge », c’est-à-dire le coup de pouce du FMI, comme une fin en soi, mais il doit savoir qu’après l’accord, il faut un suivi et à la fin, le FMI n’assurera pas le service après vente. L’économie congolaise connait des distorsions telles que des reformes en profondeurs devront être menées. Pour ce faire, le climat social doit être permissif. Pour obtenir cet état, comme autrefois quand il assuma même pour ses devanciers, le Président Sassou-Nguesso doit directement dire : « pour l’intérêt supérieur de la nation, j’élargis les prisonniers politiques, je retire les militaires du Pool. Mettons nous tous ensemble pour juguler la crise pour ne pas laisser un gap plombant le passage du témoin à nos enfants ». Je crois que, même sans dialogue, les esprits seront prêts pour intégrer un gouvernement de salut public pour un sursaut national focalisant les attentes de tous les congolais, et GRAMSCI n’aura plus raison quand il disait : « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre et, dans ce clair-obscur, surgissent les monstres ».

Comment depuis 30 ans, et ce de manière cyclique, on n’arrive pas à installer la gestion des finances publiques dans la durée ? Au CONGO, pouvoir, opposition et société civile se doivent donc d’élever les débats sur le devenir de ce pays. Devant la crise, nous devons être solidaires plus que jamais. Ma contribution du 20 aout dernier demeure. Le CONGO doit être notre priorité ; tous les enjeux politiques doivent tendre vers la cohésion nationale pour un mieux vivre ensemble.

Brazzaville, le 7 septembre 2017

Jean-Marie BITOULOU

Analyste politique

3 thoughts on “Plaidoyer pour la cohésion nationale au Congo-Brazzaville

  1. La solution du CONGO c;est le depart de sassou, le reste va se regler dans le calme

  2. bonnes hypothèse de départ mais conclusion alarmante car la cohésion nationale,si elle doit y avoir,se fera sans Sassou. Comme si l’objectif assigné de l’article était de remettre Sassou en selle.Le salut est dans l’unité certes mais surtout dans le renouvellement de la classe politque .Il n’y a pas d’hommes providentiels auxquels,il faut lier le sort du pays,à jamais

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