Les diasporas africaines veulent peser sur le scrutin

Interpellations des électeurs dans le métro, lettre ouverte aux candidats, ou courriels envoyés aux binationaux : les opposants africains sont bien décidés à utiliser leurs votes «comme une arme» et de sanctionner les candidats soupçonnés de se montrer trop complaisants face aux dictateurs.
«Bonjour mesdames, messieurs, j’ai un message à faire passer par rapport aux élections en France» : sur la ligne 14, ce matin-là, la voix de Donald tente de couvrir le bruit du métro parisien. Habitués aux sollicitations d’orateurs improvisés, les passagers restent stoïques, voire piquent du nez.
Pourtant Donald, un pseudo, n’est pas un SDF en quête d’une «petite pièce de monnaie ou d’un ticket restaurant». Cet élégant jeune homme à l’allure de dandy le précise d’ailleurs très vite : «Je viens du Congo-Brazzaville, un pays très riche, où dans les années 2012-2013 on produisait 296 000 barils de pétrole par jour. Un pays où il y a aussi de l’or, avec une très petite population de 4,5 millions d’habitants. Mais la population est pauvre car son argent est pris par certains dirigeants français. C’est ce qu’on appelle le système de la Françafrique», dénonce-t-il, avant de brandir le drapeau congolais. Mais aussi une grande photo où figure François Fillon aux côtés de l’inamovible président congolais, Denis Sassou-Nguesso. Lequel «tue, pille», accuse Donald, alors que «tous les opposants politiques sont aujourd’hui en prison», rappelle encore l’activiste congolais. Avant d’avertir les électeurs : «Dimanche, vous allez voter pour la vie ou la mort des enfants africains, vous allez voter pour plus ou moins d’immigrés», explique-t-il.
Binationaux
Son intervention, comme toutes celles qu’il improvise deux fois par semaine a été filmée. Et la vidéo, immédiatement postée sur YouTube. Sur certains réseaux sociaux, «Donald Imperator», son nom de scène complet, est une véritable star. Tout comme Anicet Mapa, un jeune informaticien exilé en France depuis dix ans qui sévit lui sur la ligne 9 du métro parisien. Lui aussi tente de sensibiliser les passagers aux enjeux africains d’une élection qui ne semble guère les préoccuper. Reste que les binationaux africains sont aussi des électeurs, qui envisagent en fonction de leurs propres critères le dilemme du vote utile. «Nos premières vidéos ont parfois eu plus de 800 000 vues», affirme Anicet Mapa. C’était en janvier, juste avant la primaire socialiste.
«A l’époque, on voulait surtout attaquer Manuel Valls», souligne-t-il. L’ex-Premier ministre français et le Congo-Brazzaville ? A priori, le lien n’est pas évident. Mais sa femme, Anne Gravoin, est pointée du doigt par les opposants de Sassou-Nguesso. Elle aurait fait, selon eux, et l’Obs, financer dès 2013 son orchestre, l’Alma Chamber Orchestra, par Ivor Ichikowitz, un marchand d’armes sud-africain, ainsi que par Jean-Yves Ollivier, un homme d’affaires français, tous deux très actifs auprès du régime en place au Congo-Brazzaville.
Les batailles électorales ne sont d’ailleurs pas les seuls terrains où les résistants congolais traquent l’ancien Premier ministre. Début mars, Franck Bikouma, un citoyen congolais, est passé devant le tribunal de Rouen suite à une plainte de l’épouse de Manuel Valls. Il aurait harcelé Anne Gravoin en début d’année au téléphone en l’appelant à neuf reprises pendant un mois et demi. A chaque fois pour lui reprocher assez vertement ses liens avec le régime Sassou-Nguesso. Le verdict est attendu pour le 25 avril.
De Gaulle
Mais ces temps-ci, ce sont surtout les élections présidentielles qui préoccupent les diasporas africaines en France, à commencer par les ressortissants du Congo-Brazzaville. «Quand Hollande a été élu, nous avons été si heureux, si pleins d’espoirs. Il avait promis de rompre avec la Françafrique. Sauf qu’il a fini par cautionner la décision de Sassou de recourir à un référendum, que tout le monde savait truqué d’avance, pour faire passer aux forceps une réforme constitutionnelle lui permettant de se représenter une fois de plus. Six mois plus tard, les élections ont été une mascarade, le véritable vainqueur du scrutin est depuis emprisonné sans procès. Et la France ne dit rien», accuse Alexis Richard Miayoukou, membre actif de la diaspora congolaise et cosignataire d’une lettre envoyée cette semaine à tous les candidats à la présidentielle. Une longue lettre qui n’hésite pas à recourir aux symboles, rappelant le rôle historique de Brazzaville un temps «capitale de la France Libre» du Général de Gaulle, et qui interpelle les candidats pour qu’ils cessent de soutenir les dictateurs africains.
«On nous dit que la France défend ses intérêts… Comme si la France allait perdre son influence si Sassou quittait le pouvoir ! En réalité, ce sont les intérêts des grands groupes industriels qui pèsent et imposent cette relation personnalisée avec le pouvoir en place», explique Bienvenu Mabilemono, un opposant congolais qui a constitué un fichier regroupant les binationaux et s’adresse souvent à eux par mails. Cette semaine, ces derniers ont évidemment reçu des conseils de vote. En faveur de Hamon.
«J’aurais bien voté pour Mélenchon, mais je ne crois pas qu’il sera au second tour. Les électeurs français hésiteront face à un vote radical. Fillon et la droite, trop compromise depuis longtemps en Afrique, c’est évidemment exclu. Quant à Macron, c’est la continuité de Hollande», soupire l’opposant. Il a notamment dénoncé, dans un autre mail, la rencontre discrète cette semaine entre le candidat d’En marche et le président guinéen Alpha Condé dans un palace parisien ; «Alpha ? Il agit comme un émissaire, notamment de Sassou», affirme Bienvenu Mabilemono, convaincu qu’on peut «utiliser le vote comme une arme».
«Pactiser avec le diable»
Depuis toujours persuadées que la France a les moyens d’influencer la vie politique dans leurs pays respectifs, les diasporas africaines, du moins les plus actives, celles constituées d’opposants en exil, ont toujours tenté d’interpeller les gouvernants français. Désormais, elles veulent aussi peser avec leurs votes.
Un parti l’a bien compris : le Front national. Depuis un an, il a multiplié les prises de contact et les réunions au Parlement européen de Strasbourg et à l’Assemblée nationale. Le but : dénoncer les mascarades électorales notamment dans le Congo-Brazzaville de Sassou-Nguesso ou au Gabon, petit pays voisin où Ali Bongo s’est fait réélire lors d’un scrutin très contesté en août.
Pour approcher les diasporas, le FN affiche une équation simple : «Nous ne voulons pas d’immigrés et vous immigrerez moins si vos pays sont moins corrompus aux mains des dictateurs», résume un opposant congolais.
«On ne peut pas accepter de pactiser avec le diable ici, pour chasser le diable dans nos pays», réfute Laurence Ndong, une universitaire d’origine gabonaise, figure de proue de l’opposition au régime d’Ali Bongo en France. Très organisée et très active sur les réseaux sociaux, l’opposition gabonaise a multiplié les manifestations en France pour dénoncer le maintien au pouvoir d’Ali Bongo et le silence de la France «qui après avoir dénoncé le scrutin, a fini par le valider», dénonce Laurence Ndong.
Pour la diaspora gabonaise aussi, la consigne a été donnée : «Ce sera Mélenchon, annonce Laurence Ndong, le seul avec Poutou venu nous voir lors de nos sit-in hebdomadaires au Trocadéro. Je ne me souviens pas, en revanche, d’avoir entendu Hamon sur les élections gabonaises», glisse la jeune femme.
Bien sûr, les binationaux africains ne suivent pas tous les consignes de vote des opposants les plus actifs. «Mais ce qui est certain, c’est que ce sont des électeurs très mobilisés, qui ne s’abstiennent pas. Ils ont trop conscience de l’importance du vote», souligne Bienvenu Mabilemono. Un vote dont ils sont si souvent privés dans leurs pays d’origine.
Maria Malagardis

3 thoughts on “Les diasporas africaines veulent peser sur le scrutin

  1. C’est curieux de constater que l’article qui montrait hier, des corps couverts de feuillage a disparu de ce site. Si l’information est vraie, pourquoi supprimer l’article? Zenga-mambu a t-il subi des pressions? C’est vraiment bizarre tout ça. A cette allure, la crédibilité de votre site risque de prendre un coup.

    1. Evidemment, en assoiffé de sang et de mort, tu aurais voulu te délecter de ces images horribles. Ici on ne célèbre pas la mort comme le fit Ngouabi pour Diawara et ton oncle Sassou pour Anga, les disparus du beach et bien d’autres encore Tu iras voir les images de morts sur d’autres sites qui font la promotion de la mort

  2. Le parti socialiste (Benoit Hamon), les republicains (Francois Fillon) et Emmanuel Macron sont tous le tabat de la meme pipe. Marine Le Pen s’est disqualifiee a cause de sa visite eclaire chez Idriss Deby. Le seul qui tient un discours sans ambiguite sur l’immigration et les dictateurs africains c’est Melonchon qui d’ailleurs est mieux place dans les sondages par rapport a Benoit Hamon. Qu’on ne so trompe pas.

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