Guy Léon Fylla : Le souvenir d’une grande légende de la musique congolaise 4 ans après sa disparition

 

Aujourd’hui parmi les plus grands standards de la musique congolaise, Guy Léon Fylla est l’un des plus célèbres saxophonistes -auteur compositeur des années 50 et 60 – Peintre émérite et professeurs des œuvres d’arts. Il a transgressé les genres et les modes. Tant sa personnalité est exceptionnelle.

I – Sans doute un des plus grands théoriciens congolais

On a, à juste titre dit de ce guitariste, saxophoniste, musicologue et artiste peintre de grande renommée, qu’il n’a pas eu de « style », au sens où ce mot se rattache à telle ou telle école, période ou région, mais a joué à la musique le plus simple, le plus essentiel.

Guy Léon FYLLA,  compte non seulement  parmi  les meilleurs « premiers sopranos » de grand orchestre mais aussi parmi les saxophonistes sopranos les plus inventifs de sa génération. Technicien accompli,  improvisateur élégant,  à la sonorité chaude et pleine.

II De Brazzaville à Kinshasa (Les Editions CEFA)

Guy Léon FYLLA  est un de ces musiciens dont on éprouve davantage ses mérites,  pour avoir atteint après une longue carrière, une parfaite et passionnante maturité. Pour ceux qui ne le connaissent pas,  il fait partie des artistes venus à la musique par le chant  avant de se familiariser à la guitare dont il s’est inspiré autrefois du belge  Bill ALEXANDRE,  le premier européen à introduire en 1953,  la guitare électrique à Léopoldville (Kinshasa).

C’est d’ailleurs  à ce  monsieur Bill ALEXANDRE que l’on doit la création en 1953,  de la firme musicale « CEFA » (Compagnie d’enregistrement du folklore africain), grâce à laquelle la chanteuse camerounaise Marcelle EBIBI (l’ épouse de Guy Léon FYLLA) a sorti l’une des plus belles  chansons de la musique congolaise, intitulée « Mama é », chantée en 1953, par le duo Marcelle EBIBI et Guy Léon FYLLA, agrémentée par  la guitare électrique du belge Bill ALEXANDRE.  « Mama  é » est donc l’œuvre à partir de laquelle a été utilisée pour la première fois, la guitare électrique. Elle  compte parmi les plus belles mélodies de la musique congolaise de tous les temps.

III Une vie à cheval sur les deux rives du fleuve Congo, après les études secondaires et artistiques à Brazzaville

Né le 11 Avril 1929 à Lokutu (ex-Elisabethville – Congo-Belge), Guy Léon FYLLA a fait ses études primaires entre 1937-1945  à l’école Saint Vincent de Poto-Poto,  et à L’école Sainte Jeanne d’Arc de la Mission catholique de Brazzaville.  Entre 1945 et 1948, il passe son cycle secondaire au Collège moderne de MBounda à Dolisie.  Puis, il s’oriente à la peinture et à la musique.  Il s’engage dans une voie tout-à-fait différente et qui d’une certaine façon, tourne le dos à celle que l’on attendait de lui.

Il s’inscrit par correspondance à l’Ecole internationale de dessin et de peinture de Monte-Carlo (Principauté de Monaco), précisément entre 1950 et 1953,  et obtient le diplôme de fin d’études artistiques. Simultanément  Guy Léon FYLLA cultive la musique, il fait des études musicales, sous la direction d’une musicologue française, Mme PEPAIRE,  et apprend à jouer à la guitare, son premier instrument de prédilection,  grâce à laquelle il rentre aux Editions CEFA de Léopoldville (Kinshasa) et enregistre son premier disque en 1953.

Aux éditions CEFA,  Guy Léon FYLLA, et son épouse, la chanteuse Marcelle EBIBI  connaissent  une expérience fantastique auprès des requins de studio comme : Roger Izeidi, Augustin Moniania « Roitelet », Brazzos Armando, Paul Roger BEMI, François Egwondu « Franco », Maurice EVAN (fameux bassiste belge), Albert Yamba-Yamba ,  Marie-Isidore Diaboua (CDJ), etc.

IV Création de l’orchestre Maquina-Loca, après une brève expérience dans l’orchestre Negro Jazz

En1956,  Guy-Léon FYLLA,   s’associe aux musiciens de l’orchestre Negro Jazz de Brazzaville, qui séjournent  depuis un long moment  à Kinshasa. Et dont  il connaissait pour la plupart depuis Brazzaville.  Il  en devient facilement  le chef d’orchestre, en remplacement du guitariste Joseph KABA,  mais pas pour longtemps, car le Negro Jazz  va se disloquer  à Kinshasa au cours de la même année.

1958, après avoir été le héros chez Negro-Jazz, d’un nombre confortable de chefs-d’œuvre, qui concilient  avec une habileté fantastique au saxo, Guy Léon FYLLA crée sa propre formation musicale, un excellent orchestre qui porte le nom de MAQUINA-LOCA.  Dans ce groupe, Il abandonne la guitare pour emboucher le saxophone qu’il a appris en jouant  de la « soupe » dans les studios.

De toute évidence, le saxophone est pour lui quelque chose d’extrêmement sérieux, dans quoi l’on ne s’embarque point sans vocation. Dans cette bonne voie, Guy Léon FYLLA produit des choses passionnantes. Il s’entoure d’Antoine NEDULE « Papa Noël », remarquable guitariste soliste et des musiciens peu connus, jeunes pour la plupart, mais motivés comme, les chanteurs Basile Mikano et Théophile Nguimadiao qui trouvent auprès de leur chef, l’occasion de s’appliquer pour jouer la musique qu’ils aimaient  tant, à travers des titres à succès comme « Espérencia », « Mbemba », « Bilengue ya Maquina », « Souvenir ya chérie », « Mwana ya Gabon », etc. réalisés aux éditions Ngoma.  Ceux qui à l’époque avaient bien savouré ses œuvres attestent  volontiers que MAQUINA- LOCA s’inspirait le moins possible des autres formations qu’il avait l’occasion d’entendre.

Quoi qu’il en soit, l’orchestre MAQUINA LOCA où se dessine la personnalité musicale de Guy Léon avait connu un grand succès dans les grands dancings de Kinshasa et de Brazzaville, où il était très apprécié.

V- L’Aventure de Libreville (Gabon)

En 1959, l’orchestre  MAQUINA- LOCA s’installe à Libreville au Gabon où il obtient un engagement régulier dans un dancing de la place. De cette période de Libreville,  notons la sonorité inimitable  de Guy Léon FYLLA, un souffle fait musique, a influencé quelques saxophonistes de la Rumba qui le citent souvent  parmi leurs sources d’inspiration.

Pendant qu’il  est à Libreville, avec son orchestre, Guy Léon FYLLA,  partage son temps entre la musique et la peinture.  Il entreprend au cours des années  1959 et 1960, plusieurs expositions  en France, particulièrement à Paris,  et des stages de travaux manuels d’initiation artistique à Paris, Angers, Châtelguyon, etc.  Cette seconde activité, malheureusement, a conduit  en 1961,  l’orchestre MAQUINA LOCA, à la dérive.  La déception de FYLLA, ne sera que de courte durée.  Dès lors les dés étaient  jetés et il se consacre désormais exclusivement  à la peinture et en véritable professionnel.

De retour à Brazzaville,  Guy Léon FYLLA qui constitue désormais un maillon indispensable dans la pratique de la peinture, et de l’enseignement  du solfège,  se voit offrir un voyage d’étude en Chine Populaire.

VI – Autodidacte confirmé

Autodidacte confirmé Guy Léon Fylla, n’arrête pas d’apprendre. Aussi, on ne dira jamais assez à quel point, il arrive à mettre en relief son grand talent dans plusieurs domaines à la fois.

En effet, entre 1965 – 1967, il est  sur le banc d’école au Centre d’Enseignement Supérieur de Brazzaville.  Pendant  la même période,  FYLLA  participe à la vie musicale  et  à celle de la peinture, au  Centre d’Arts de Moungali  où il est professeur et directeur  de l’école de peinture et de  musique. Il enseigne précisément, le dessin, l’histoire de l’art-perspective, la théorie musicale et  la guitare.  Une fonction qui lui permet d’être désigné en 1966,  délégué permanent  du Congo au Premier Festival  mondial des arts Nègres à Dakar.

Plus tard entre 1978 -1980,  il poursuit avec beaucoup de succès ses études de licence en droit  à l’Université de Brazzaville. FYLLA est tenu pour  être dans sa création personnelle, dans la logique d’éviter une certaine monotonie avec une réelle volonté de recherche et de dépassement.

A partir de 1967, c’est un long  processus  à travers une carrière qui  prend  une tournure extraordinairement  riche et féconde, quand Guy Léon Fylla  s’extériorise dans de nombreuses formes d’activités,  grâce à ses grandes  capacités intellectuelles et  à sa brillante expérience professionnelle, pour lesquelles  il faut noter pour l’essentiel :

VII-  Une brillante carrière administrative dans le secteur pétrolier (AGIP et Hydro-Congo)

De 1967 à 1978,  il occupe différents postes administratifs, comme :

Chef du personnel de la société pétrolière AGIP-Congo – Directeur Hydro-Congo à Dolisie, puis chef de vente adjoint Hydro Congo à Brazzaville –

De 1978 en 1992,  se sont  les fonctions artistiques qui l’occupent particulièrement, car il a  toujours  gardé un pied dans la culture et art, son job de prédilection. Il est successivement  : Secrétaire exécutif  à l’organisation de l’UNEAC (Union nationale des écrivains et artistes congolais) – Professeur à l’Ecole nationale des beaux arts (Cours d’anatomie artistique – l’histoire de l’art – la guitare – le saxophone) –  Président  du  Conseil national de l’UNMC (Union nationale des musiciens congolais) – Président des peintres indépendants, et de la Mutuelle des peintres, fonctions qui lui donne l’occasion de diriger  plusieurs conférences sur la peinture,  la musique, et  d’organiser de nombreuses  expositions au Congo et à l’étranger . Il est délégué à la Conférence Nationale souveraine de 1991, puis occupe les fonctions de Conseiller de la république.

Autant d’attributions  et d’expérience qui  ont permis à Guy Léon FYLLA d’être récompensé par plusieurs distinctions honorifiques : Médailles d’or, de vermeil, d’argent – Chevalier du mérite congolais Divers prix dans le domaine de la peinture.

VIII Véritable doyen de la musique congolaise.

Guy Léon FYLLA est  aujourd’hui  l’un des doyens de la musique congolaise les plus respectés.  Tout comme il est aussi  l’un des plus talentueux « rumbéros » de la génération des années 50/60. Celle des  Bowane, Kallé, Luambo, Essous, Longomba, Moniania, Izéïdi, etc. Fylla s’est surtout fait connaitre dans Brazzaville, Kinshasa,  Libreville, et en Europe où il a évolué, et où il a enregistré la plupart de ses disques et réalisé des grandes expositions d’art  plastique.

Guy Léon FYLLA est connu aussi comme le  musicien, qui  a défini par notation le « Sebene », une trouvaille inédite d’Antoine Kasongo de l’Odéon Kinois.  En effet, le « Sebene » qui est une forme rythmique,  toute spéciale et particulière de l’exécution de  la rumba  congolaise est  en fait, la déformation de « Seven » en anglais, ou « Sept » en français. (C’est donc une répétition successive d’un certain nombre de notes pendant le passage de 2 accords : Fondamental et Accord de 7ème« Seven ». Ainsi  pour  le ton de Do les notes seraient : -Fondamental : Do Mi Sol

–      Accord de 7ème : Sol

–      Octave inférieur : Fa Sol …

Artiste complet, peintre, musicien, et surtout auteur  des performances,  d’expérience multi médias, sa musique n’est jamais présentée comme une activité unique. Il s’est entouré de ce que la modernité a mis à sa disposition.  Sa sensibilité à fleur de peau l’a souvent  tenu écarté des manifestations annoncées à grands sons de trompe. Il est resté marginal par vocation, plutôt que par conséquence, son talent  restant immense. Paisiblement, Guy Léon Fylla a jouit de sa longue retraite à Brazzaville, continuant à ses moments de loisirs à dispenser son savoir faire au sein des organisations nationales de la culture et des arts.

IX – La mort de Guy Léon FYLLA

Le 1er octobre 2015 à l’âge l’artiste Guy Léon Fylla tire sa révérence après une longue maladie. Peintre, musicien, chef d’orchestre, Guy-Léon Fylla est demeuré le doyen des artistes congolais le plus respecté.

Clément OSSINONDE

2 thoughts on “Guy Léon Fylla : Le souvenir d’une grande légende de la musique congolaise 4 ans après sa disparition

  1.  »Tâ Filaaa ! Tâ Fila! Tâ Filaaa! » chantions-nous lorsqu’il quittait l’avenue de la paix (Moungali) pour s’engouffrer du côté sud de la loby dans sa DS de Fantômax.
    Papa hyper gentil, nous nous arrêtions de jouer aux  »petits poteaux », nous nous écartions du milieu de la rue transformée en terrain de jeu, le temps de laisser passer sa DS…puis nous lui courions aprés et lui nous laissait des bonbons. Jamais, il ne roulait sur nos  »poteaux ». Il avait un vrai permis de conduire disions-nous.
    J’étais à l’école primaire.

    Il était le papa de tous les enfants.

    Paix à son âme

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