Le Congo après Sassou : L’inclusion par l’économie. Likouala et le Pool : laboratoire du nouveau paradigme économique national

L’inclusion au cœur de la métamorphose économique, sociale et politique

Au Congo, le pouvoir est comme une flamme face au vent ; on croit l’avoir parfaitement protégée, mais survient une tempête et la voilà éteinte. L’opposition est comme la mauvaise herbe, elle repousse toujours, même quand on croit l’avoir totalement éradiquée. Peut-on sortir de ce paradigme construit sur la méfiance totale et la confrontation permanente, cette spirale de négativité assumée, et bâtir progressivement un système inclusif où tout le monde est gagnant ?

Antagonistes ou protagonistes ? 

Je suis à dessein très critique à l’égard du pouvoir congolais. Cela ne m’a jamais empêché de développer des convergences basées sur le nécessaire compromis sans compromission. Dévoué à la cause du CONGO ÉTERNEL, je privilégie la recherche du consensus. Là où nombre de nos compatriotes élèvent des murs de haine, creusent des gouffres d’animosité, je préfère bâtir des ponts de solidarité et des passerelles de paix. Même quand le désespoir s’installe dans les cœurs, quand la rancœur prend le dessus, je continue de croire au génie humain. On m’a souvent reproché de part et d’autre ma naïveté et mon ignorance ; je les assume courageusement et avec équanimité. Avant de m’adresser aux humains, je m’incline humblement devant le DIVIN en eux. Car je suis persuadé que les antagonistes d’aujourd’hui peuvent devenir des protagonistes d’une grande œuvre inclusive et au bénéfice de tous.

Mettre l’église au milieu du village est mon crédo. Je comprends la perplexité qui peut gagner les colombes du pouvoir en voyant émerger une démarche inhabituelle dans notre paysage sociopolitique. J’imagine la peur des faucons de ce même pouvoir. Ils craindront à tort ou à raison de perdre le contrôle d’un système auquel ils ont apporté le ‘’meilleur’’ d’eux-mêmes, parfois au péril de leurs vies. À leurs yeux, ils en tirent ‘’légitimement’’ des avantages qu’ils ne sont pas prêts à partager avec l’ensemble de la population. Je les entends s’offusquer : Pourquoi remettre en cause un système qui a fait ses preuves ? Ont-ils lu Sun Tzu ? Alors ils devraient savoir que les apparences peuvent être trompeuses. Ce grand penseur antique rappelle à tous les hommes d’Etat, l’évidence suivante : Comme le jour succède à la nuit, l’hiver à l’été, la saison sèche à celle des pluies, la vieillesse à la jeunesse etc., au Yang de la conquête du pouvoir à la tête d’un parti, d’une armée, doit succéder le Yin de la croissance économique la plus largement partagée. Le nier ou l’ignorer est une faute grave qui peut conduire à l’effondrement inattendu d’un système quelle qu’en soit la solidité.

Je comprends les adversaires les plus farouches du PCT.  Pour eux, ce parti est à l’origine du mal congolais. Quant à Sassou, ils estiment qu’il est l’incarnation du mal dans notre pays. Ils sont convaincus que la disparition de Sassou apportera un soulagement inestimable au peuple congolais. Ils me reprochent souvent ma ‘’condescendance’’ à l’égard de celui qu’ils ont surnommé le démon. Et loin de les apaiser, le fait que je m’adresse au DIVIN en Sassou comme en tout être humain, les enrage de plus belle. Ils se délectent d’avance de voir arriver le jour où le cobra mordra le naïf que je suis. Alors, ils se réjouiront de m’avoir prévenu sans succès. En chercheur de la source ultime, je me refuse de juger les créatures divines, je laisse ce privilège au Créateur Lui-même. D’ailleurs, à quoi sert-il de rappeler à mes détracteurs que Dieu fait tomber sa pluie et briller son soleil avec la même prodigalité ou parcimonie sur toutes ses créatures ? Nombre d’entre eux ont une conception de la justice qui commence par la destruction de tout ce qu’ils considèrent opposé à leur vision. Ils exigent l’inclusion en surface et ne rêvent que d’exclusion en profondeur. Peu leur chaut que la population qu’ils défendent meurt de faim. Pourvu que cela conduise à la révolte qui leur ouvrira la voie royale vers le pouvoir.

La voie du milieu

Je comprends ces deux extrêmes, mais je refuse de partager leurs convictions. Ma foi se trouve ailleurs, dans la VOIE DU MILIEU. Je prône l’inclusion comme base de l’équité, de la justice et de l’éthique. En voulant remettre l’église au milieu du village, je m’expose aux foudres des uns et des autres. Ils tireront certainement à boulets rouges sur l’église de l’inclusion pour la simple raison qu’elle se trouve au milieu du village. Une fois ces boulets refroidis, je ne les utiliserai pas pour tirer sur eux et me défendre. Au contraire, je me servirai de ces boulets comme briques solides et gratuites pour renforcer l’édifice commun que j’appelle de tous mes vœux.

La VOIE DU MILIEU est une démarche qui consiste à chercher et trouver ce qui nous unit tous et qui peut nous permettre de négocier sans passion et avec le maximum d’objectivité. Un de ces champs consensuels est l’économie. Dès la naissance, tout être humain est en quête du bonheur. La définition de ce dernier a beau varier, une composante essentielle en est la prospérité économique dans un climat apaisé.

L’indispensable consensus économique 

Depuis des décennies, la politisation à outrance de notre vie sociale a porté un énorme préjudice à l’activité économique. Le tissu industriel embryonnaire et prometteur des années 60-70 a progressivement été évincé par le bois et surtout la rente pétrolière. Deux activités dont l’orientation à l’exportation ainsi que l’intensité du travail limitent très fortement la capacité de création d’emplois. Malgré les appels des pouvoirs publics à augmenter substantiellement la part de grumes transformées dans le pays pour exporter des produits à plus grande valeur ajoutée, les scieries industrielles qui faisaient la fierté de Pointe-Noire, Dolisie et Brazzaville ont pratiquement disparu de notre paysage économique. Pourtant, en dehors du bois et du pétrole, de nombreuses autres activités dans le secteur de l’agriculture, de l’élevage, de la logistique, du numérique, du bâtiment etc. peuvent générer très rapidement, en deux ou trois ans, de dizaines de milliers d’emplois et donner aux Congolais un pouvoir d’achat capable de réorganiser et stimuler l’ensemble de l’économie nationale. Les Congolais, redevenus financièrement autonomes, seront moins susceptibles de céder aux sirènes des politiciens véreux. Politiciens du pouvoir comme de l’opposition, ont donc intérêt à privilégier cette inclusion économique qui pourrait servir de tremplin vers une réforme politique en profondeur. Si le dialogue politique est introuvable, le consensus économique pourrait être un premier pas dans la bonne direction en permettant aux uns et aux autres de se parler sans méfiance et a priori.

Ce n’est pas la volonté de développer le pays qui a manqué. Tous les ambitieux plans économiques des années 70-90, les différents projets de société des années 1990-2020 ont tous abouti à des résultats plutôt mitigés.

Un exemple très récent peut illustrer l’irresponsabilité et le manque de patriotisme économique de notre élite. Je sais de source très sûre que Sassou avait apprécié et admiré vers 2014 le miracle économique réalisé par le ministre de l’agriculture du Nigeria et actuel directeur général de la Banque Africaine de développement. En un temps record, Akinwumi Adesina avait réussi à relancer différentes filières agricoles nigérianes laissées à la traîne suite aux différents booms pétroliers. Et surtout, en trois ans (2011-2014), il avait réussi à réduire de moitié les importations alimentaires du pays. Sassou aurait à l’époque recommandé à ses collaborateurs de s’inspirer de ce modèle et de lui réaliser la même merveille à l’horizon 2016. Cela aurait pu redorer son blason auprès d’une large frange dubitative de la population et améliorer ses chances aux présidentielles de 2016. Il avait alors mis à leur disposition les moyens nécessaires à la réalisation de ce vaste projet. A l’occasion de mon passage au pays en 2015, j’avais eu l’opportunité de discuter de l’avancement de ce projet avec quelques amis au cœur de ce dispositif. C’était pour constater avec amertume, l’immense gâchis qui en avait découlé. Si j’étais profondément attristé, j’imagine l’amère déception qui devait être celle de Sassou en évaluant (si jamais ce fut le cas) ce beau projet réduit à néant. Les centaines de milliards mis à la disposition des cadres dans un projet concret avaient disparu comme neige au soleil. Pour sa campagne électorale de mars 2021, Sassou était réduit à réciter des mantras agricoles qui peinaient à convaincre même son propre électorat. Le safou et le manioc n’ont pas contribué à la sécurité alimentaire du pays depuis 1979 pendant que l’impunité et la médiocrité sont à leur paroxysme.

J’ai pris cet exemple assez éloquent, pour montrer l’importance de certains facteurs indispensables à la correction des erreurs du passé. Parmi ces facteurs, il y a naturellement l’inclusion, la structure assumant la régie (une agence autonome), la sélection des animateurs, la transparence, le contrôle, le suivi etc. Peut-on développer cette démarche basée sur l’inclusion la plus large ?

L’exemple chinois 

Oui, je suis persuadé que, comme en Chine sous Deng Xiaoping, l’économie peut servir de levier d’une évolution inclusive au service de l’ensemble de la société. En trois décennies, la Chine est passée d’un pays relativement pauvre à la quasi première puissance économique mondiale aujourd’hui. Cela n’a été possible que grâce à un recentrage intelligent de l’action politique au profit de l’économie. La Chine a réussi le pari de remettre l’économie du pays à sa place de principal moteur du progrès social et politique en faveur de la majorité de la population. Les conséquences ne se sont pas fait attendre.

Le contre-exemple soviétique 

En revanche, pour avoir privilégié une fixation idéologique et sécuritaire suicidaire, l’URSS de Gorbatchev a sombré avec armes et bagages, suite à l’échec de la glasnost et de la perestroïka. Là où l’économie aurait dû être réformée à temps et en profondeur comme en Chine, le PCUS s’est contenté de retouches cosmétiques lamentables et inefficaces. Asphyxié économiquement, cet immense empire a implosé. Héritière de ce vaste espace, la Russie n’est plus que l’ombre d’elle-même, réduite à rêver d’atteindre un jour le PIB/habitant du Portugal, pays jadis parmi les plus pauvres d’Europe.

Likouala et le Pool : laboratoire du nouveau paradigme socio-économique national

Au moment où l’appel à la sécession du Sud-Kongo se fait de plus en plus fort, où les régionalismes sont chaque jour exacerbés par une gestion clanique évoluant de plus en plus vers la tentation dynastique, il est grand temps de marteler les fondamentaux d’une vraie nation : un destin sociopolitique partagé, un développement équilibré, une justice basée sur l’inclusion économique et démocratique.

Depuis l’indépendance, deux régions, la Likouala et le Pool, ont connu un immense retard sur le plan social et économique dans notre pays. La Likouala semble avoir été exclue depuis des décennies du tableau de bord du développement économique par une mystérieuse main noire. Le Pool, quant à lui, est le souffre-douleur de la nation et subit un acharnement systématique et difficilement explicable. Rien de rationnel ne peut justifier l’état de pauvreté endémique dans lequel se trouvent ces deux régions.

J’ai choisi à dessein ces deux régions comme base d’un nouveau paradigme, car leur essor servira de creuset pour un retour au CONGO ÉTERNEL, celui de l’inclusion totale. Lissouba avait surnommé le Pool locomotive du Congo. La Likouala pourrait être transformée en propulseur du Congo comme une fusée porteuse.

Un plan Marshall pour la Likouala et le Pool

Il est évident que dans l’après-Sassou, un véritable plan Marshall devra être mis en place pour, d’une part, dédommager le Pool et réparer les torts qu’il a subis, d’autre part, ancrer la Likouala au train national du développement. Rien n’empêche Sassou, de son vivant, d’initialiser ce plan Marshall qui connaîtra de toute façon sa montée en puissance dans l’après-Sassou.

La reconversion des cadres politiques au Congo : cas de la Likouala

S’adressant à ses concitoyens, John Fitzgerald Kennedy avait dit : ‘’Ne demande pas ce que l’Amérique peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays’’. Si l’état pitoyable de la Likouala m’interpelle, je me demande souvent ce qu’en pensent les filles et fils de cette région. Cette région a produit de hauts cadres civils et militaires qui ont accompagné Sassou dans sa conquête et sa gestion du pouvoir. Ces cadres ont-ils été à ce point tétanisés et incapables d’interpeller leur mentor sur le délabrement avancé de cette région ?

Je peux donner un début de réponse à cette question. Plus encore que dans les autres régions du pays, les cadres de la Likouala sont victimes de l’ultra fixation politique au Congo. Personne ne doit y prendre des initiatives qui s’apparenteraient à une dissidence politique. Tout doit se gérer à Brazzaville, donc pas d’espace pour des initiatives économiques régionales pouvant contribuer à lutter contre la pauvreté dans laquelle végète la région. L’exemple le plus frappant en la matière est celui d’Henri Djombo, tout-puissant ministre de Sassou pendant plus de trois décennies. Aujourd’hui quasi à la retraite, qu’est-ce qui l’empêche de donner l’exemple de cette reconversion qui pourrait inspirer de nombreux autres cadres de la région ? Qu’est-ce qui empêche cet ancien ministre des forêts de faire de la Likouala un vrai pôle de gestion durable de la forêt ? Qu’est-ce qui empêche cet ancien ministre de l’agriculture de lancer un fonds de développement de l’agriculture dans la Likouala et d’en faire le fer de lance de la diversification économique de la région et au-delà, du pays ? Qu’est-ce qui empêche ce très proche collaborateur de Sassou d’installer un ranch moderne avec unités de transformation connexes comme son mentor l’a fait dans son fief d’Oyo ? Rien, sauf si la puissance économique et la capacité financière sont considérées comme une atteinte au pouvoir central.

Henri Djombo (et pourquoi pas Sassou) pourrait également s’inspirer d’Olusegun Obasanjo. Cet ancien président nigérian qui a largement contribué à l’instauration de la démocratie au Nigéria et qui a favorisé l’éclosion de nombreux milliardaires (en dollars) dans son pays s’est retiré dans son ranch très prospère qui fait sa richesse et la fierté de ses compatriotes. Obasanjo a montré qu’il y a une vie en dehors de la politique et même après la présidence de ce pays-continent. Il utilise son carnet d’adresses pour ses propres affaires, mais également pour le rayonnement diplomatique de son pays.

La maison de la Likouala à Bruxelles ou à Anvers

En son temps, j’avais fait la proposition à certains cadres de la Likouala de créer une représentation économique et culturelle de cette région auprès de l’Union Européenne. Le but recherché était de créer une vitrine permettant de mettre en valeur l’immense potentiel économique et culturel de ce vaste territoire dont je parlais à titre privé dans différents forums belges et européens. Avec ses 66.000 km², la Likouala est deux fois plus étendue que la Belgique, 25ème puissance économique mondiale et 5 fois plus grande que la Flandre (moteur économique de la Belgique). Sans en avoir reçu le mandat et sans en être originaire, j’avais entamé la démarche de valorisation de cette région. J’étais surpris par l’engouement que cette région pouvait déclencher à l’échelle internationale. Cette idée fut cependant accueillie assez fraîchement par les “ayant-droit” pour des raisons qui m’échappent à ce jour. Ce projet réaménagé pourrait être repris par les cadres politiques, militaires et administratifs de la Likouala en vue de leur reconversion économique. Un ami allemand, lobbyiste auprès de l’Union Européenne et à qui j’avais également soumis le projet, m’avait rétorqué qu’un potentiel ne voulait absolument rien dire tant qu’il n’était pas transformé en opportunités et pour cela, il fallait une vraie vision et surtout des acteurs déterminés.

Avec ses 400.000 habitants (selon les statistiques ostentatoirement abusives et électoralistes du PCT), avec ses 250.000 habitants (supposés), la Likouala est largement sous-peuplée. Son essor économique nécessitera l’appui des cadres et des forces vives des autres régions dans un Congo réconcilié. Cette dynamique, une fois enclenchée au niveau de la Likouala, pourra servir de modèle à toutes les autres régions du pays et en particulier à la région-martyre du Pool.

J’exprime donc ici et maintenant, le vœu de voir se dessiner dans la Likouala et dans le Pool, un nouveau paradigme qui servirait de base à une vraie refondation économique apaisée dans le Congo de Sassou en fin de cycle et surtout du Congo de l’après-Sassou. Dans une réflexion antérieure, j’ai parlé d’utiliser Sassou pour préparer l’après-Sassou. C’est ici le cas de dire qu’une telle démarche serait avant tout au bénéfice de l’ensemble de notre peuple. L’économie peut être une voie royale vers la réconciliation nationale, là où la politique a lamentablement échoué.

Pascal Malanda

LE CONGO ÉTERNEL

2 thoughts on “Le Congo après Sassou : L’inclusion par l’économie. Likouala et le Pool : laboratoire du nouveau paradigme économique national

  1. Pascal Malanda,

    Tu oublies une seule chose: l’écosystème.

    Lorsqu’un écosystème est fait pour créer des richesses, l’imagination, la créativité et les synergies s’expriment et s’accompagnent par les dispositifs favorables de l’écosystème, simplement parce que l’on favorise le fait que par définition tout le monde veut s’en sortir.
    Lorsqu’un écosystème est défavorable, il est de type predation,corruption, trafics en tout grnres,etc,

    c’est tout le logiciel, la mentalité qu’il faudrait revoir, cela prend du temps, temps long, plusieurs générations peut être.

    Bon écosystème:
    l’état est au service du citoyen, démocratie, liberté, etc.

    Mauvais écosystème:
    le citoyen travaille pour l’oligarchie, dictature, servilité, assassinats, coup bas, etc, sans fin.

  2. Pascal Malanda,
    AVEC UNE TELLE CONCLUSION  » L’économie peut être une voie royale vers la réconciliation nationale »,
    JE TE CONSEILLE DE REJOINDRE MANAMIKA POUR TOURNER DES FILMS EN TROIS D.
    POURQUOI PARLE-T-ON D’ÉCONOMIE POLITIQUE ET DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE?
    CONTINUE DE METTRE LA CHARRUE AVANT LES BOEUFS. TU FINIRAS À LA PLACE DES BOEUFS.
    LES BELGES SONT DES SUJETS DES CRIMINELS. SOSOLA MUA MOKE! KU LANDA VE BU ZOBA YA MANAMIKA !

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