Gouvernance au Congo : le nouveau ministre des finances déjà en difficulté avec le Salmigondis de la loi des finances 2025 et autres ?

Après le limogeage de Jean Baptiste Ondaye, la nature semble déjà reprendre ses droits au gouvernement. Du fait de la non inscription de La loi des finances 2025 (LF2025) à l’ordre du jour du conseil des ministres du 17 janvier 2025 et en attendant la confirmation des premiers collaborateurs qui accompagneront le ministre Christian Yoka, tout prête à croire au « come-back » de la cacophonie gouvernementale dans la gestion des finances publiques congolaises.

La loi de finances 2025 (LF2025) prévue à l’origine pour 36 départements ministériels et passée à 38 en raison de multiples scissions/fusions ministérielles : Enseignement supérieur d’avec le Ministère de la Recherche scientifique et de l’innovation ; Energie et Hydraulique d’avec l’assainissement ; Intérieur et décentralisation d’avec le développement local ; Économie et finances d’avec le Plan, les statistiques et l’intégration ; Grands travaux d’avec l’entretien routier… Tout ceci semble anecdotique, mais cache un premier obstacle certes surmontable, mais aux conséquences majeures.

En effet, avec la loi organique n°36-2017 du 5 octobre 2017 relative aux lois des finances, l’approche budget-programme est un imperium juridique qui malheureusement n’a strictement aucune espèce de valeur pour le gouvernement Makosso et l’Assemblée nationale. Suivant les articles 19, 20, 21 et 22, il va falloir recommencer avec un découpage-réattribution de la quasi-totalité des dotations budgétaires des départements modifiées en raison des seuils (1% de la masse totale au maximum) et du mur de l’approche-programme. Les chaînes des résultats attendues en termes d’Impact -> Effets -> Produits -> Activités alignées sur les Cadres de dépenses à moyens termes (CDMT) de 3 ans obligent à revoir la cohérence interne des programmes pour tirer parti des synergies stratégiques internes liées. Par exemple, il n’y a rien en commun entre entretien routier, assainissement et développement local. C’est un nouveau programme à réécrire entièrement.

Mais les problèmes sérieux et graves sont ailleurs, surtout pour Christian Yoka embarqué dans une folie technique à laquelle il n’a rien à voir.

Quels sont les problèmes laissés à gérer ?

Ludovic Ngatsé (!) a laissé en héritage un vrai salmigondis appelé indûment LF2025 et qui repose sur les hypothèses macroéconomiques présentées officiellement par lui-même en conseil des ministres du lundi 7 octobre 2024 :

(i) taux de croissance économique projeté à 3,8% ;

(ii) taux d’inflation projeté à 3,6% ; dans la CEMAC le maximum admis est de 3% ;

(iii) production pétrolière nationale estimée à 100,0 millions de barils contre 107,775 millions dans le budget 2024 ;

(iv) prix du brut congolais établi à 74 dollars US, contre 75 dans le budget 2024 ;

(v) taux de change du dollar : 615,5 FCFA ;

(vi) production de gaz livré à la CEC et à la CED estimée à 2 371 833 tonnes métriques ;

(vii) Gaz Naturel Liquéfié (GNL) ENI à 631 169 239 tonnes métriques ;

(viii) prix du gaz établi à 7,22 USD par unité.

Suivant les deux premières lignes (i) et (ii), la croissance réelle projetée est de 3,8%-3,6% = 0,2%. L’accroissement de la population selon le dernier RGPH est de 3,2%. Pour faire simple, 3% des enfants à naitre le seront d’emblée « pauvres et sans revenus » car jamais pris en compte dans la croissance économique. Cela représente 184 265 enfants rien que pour 2025 !

Le calcul de la production nationale pétrolière est des plus étonnants en s’appuyant sur les données fournies par Ludovic Ngatsé lui-même en (iii), (iv) et (v) : 74$ x 615,5 XAF x 100 000 000 de barils = 4 554 700 000 000 milliards (4 554,7 milliards de FCFA).

 D’où viennent les 1 231 milliards inscrits dans la LF2025 ? Comment justifier le gap de 4 554,7-1231 = 3 323,7 milliards ? Où sont-ils allés ? De même, les lignes (vii) et (viii) posent : 2 371 833 tm x 7,22$ = 17,12 milliards et 631 169 239 tm x 7,22$ = 4,55 milliards, soit un total de 17,12 + 4,55 = 21,67 milliards.  Dans la LF2025, cette ligne est valorisée à 26,606 milliards, soit un « gain dissimulé » de 26,606-21,67 = 4,936 milliards ! Bigre !

Il apparaît donc que la LF2025 est un véritable torchon, car tout le reste est bâti sur ces hypothèses centrales qui pèsent 75% des recettes globales. C’est une loi des finances « Caca » qu’il va falloir revoir de fond en comble ! Comment la commission Economie et finances a-t-elle pu laisser passer de telles énormités, en ne se focalisant uniquement que sur le GUP/CUT ?

Rien n’étonne plus, car Ludovic Ngatsé en menteur pathologique, avait affirmé devant la représentation nationale que le GUP était sous l’autorité exclusive de M. Ngondo, Directeur général du trésor. Non seulement c’est faux, mais la note n°0428/MFB/MDB/DGID/DRC du 29 avril 2021 signée par Ludovic Itoua, DGID, pour un montant de 2 milliards de francs CFA au profit de l’office notarial, Note portant acquisition d’un bien immobilier, démontre à suffisance comment n’importe qui a pu s’improviser ordonnateur délégué au mépris du grand argentier et sans rapport. Pire encore, l’annexe 6 du mandat établit « le directeur de cabinet » comme signataire des ordres de mission de contrôle qui constituent des engagements juridiques… Sylvain Lekaka et/ou Henri Loundou ont bel et bien engagé des opérations sur le compte pendant la maladie de Calixte Nganongo. La publication de ces comptes s’avère laide et honteuse ! Quoiqu’il en soit, l’obligation d’audit constitue une option pour Christian Yoka et la Cour des Comptes et de Discipline Budgétaire de Charles Emile Apesse qui reste inamovible.

Techniquement enfin, trois points noirs sont à souligner : (i) l’inclusion du solde social (CNSS/CRF) dans le calcul des comptes de la nation vient d’achever comptablement la survie du Congo. En effet, la balance structurellement déficitaire de l’emploi pèsera désormais lourdement et de façon continue sur les finances publiques (sur le solde primaire hors pétrole), entraînant le Congo dans la spirale d’une chute sans fond, d’autant plus que son accélération restera proportionnelle au chômage qui est endémique ; (ii) l’avenir de la monnaie FCFA CEMAC.

Le dernier sommet montre qu’avec une couverture des importations de moins de 1,5 mois de devises, des réformes drastiques doivent être prises dans le rapatriement des fonds volés par nos oligarques en même temps que l’arrêt du rapatriement des bénéfices des compagnies étrangères du secteur des extractions minières ; (iii) le nettoyage du système des finances publiques par la mise en place d’un ERP Global aligné sur un contrôle interne rigoureux. Redresser la gestion financière dans ce pays va nécessiter de Christian Yoka un choix méticuleux de techniciens chevronnés, tout en exigeant une carte blanche franche et véritable de M. Sassou Nguesso.

Peut-on faire du neuf avec du vieux ?

Les compétences techniques et sociales seront l’unique prophylaxie contre les métastases cancéreuses du PCT et de l’ethnocentrisme oligarchique qui s’avancent déjà avec la nomination putative de Nicolas Okandzi comme directeur de cabinet, de Mme Monique Mboulou comme conseillère et de M. Ololo ancien DAF de Aîmé Emmanuel Yoka. Nicolas Okandzi, originaire d’Ollombo après un vol de 56 millions thésaurisé à son domicile, avait séquestré, torturé pendant 4 jours son domestique, M. Jean Bambelo avant de l’abattre froidement le 23 décembre 2008. Parti en cavale, il fut interpellé à l’aéroport de Maya Maya alors qu’il tentait de fuir le Congo pour échapper à la justice. Écroué à la maison d’arrêt de Brazzaville, il sera libéré plus tard par l’intervention de son frère de loge, appuyé par des magistrats corrompus.

La mission du ministre Yoka s’annonce périlleuse, car l’éthique et la morale au sein des institutions financières internationales et des grandes banques sont intransigeantes en matière de crimes et de comportements crapuleux.

La LF2025 et les audits du département Finances, Budget et Portefeuille Public devront être réglés avant la prochaine arrivée du FMI en février 2025. « Savoir, Vouloir, Oser et se Taire » sont les exigences à suivre scrupuleusement pour penser sortir de ce maelstrom géant. Espérons que, le ministre Yoka agira comme un vrai Pasteur qui accepte d’être crucifié pour la vérité.

 Ghys Fortuné BEMBA DOMBE

1 thought on “Gouvernance au Congo : le nouveau ministre des finances déjà en difficulté avec le Salmigondis de la loi des finances 2025 et autres ?

Laisser un commentaire