Après son parent Jean-Baptiste Ondaye, monsieur Denis Sassou Nguesso choisit son cousin Christian Yoka, fils de l’ancien ministre de la Justice Aimé Emmanuel Yoka, comme ministre des Finances, du Budget et du Portefeuille public. Un membre du clan en chasse un autre afin de perpétuer la prédation des richesses congolaises pour l’intérêt de la famille et de la France.
Ce n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein mais une gestion clanique du pouvoir au Congo-Brazzaville. Hélas pourrait-on dire dans la confusion des genres et des rôles dans la République du Congo, la chose publique gouvernée pour le bien du peuple, qui ici devient un bien privé des membres d’une classe, d’une tribu, d’une région et d’une personne unique monsieur Denis Sassou Nguesso ; c’est la dictature dans toute son essence.
Nul doute que dans le clan Sassou Nguesso, la politique est une affaire de famille, et le Congo-Brazzaville est un Royaume sur lequel ils espèrent régner ad vitam aeternam. Ainsi les cordons de la bourse sont bien protégés des regards inquisiteurs des Congolaises et des Congolais.
Une constante dans la politique congolaise depuis la guerre civile sanglante du 05 juin 1997, les ministres des Finances qui se sont succédé sont tous originaires de la région septentrionale du Congo-Brazzaville, de monsieur Mathias Dzon à Pacifique Issoïbeka, Gilbert Ondongo, Rigobert Roger Andely, Jean-Baptiste Ondaye et maintenant Christian Yoka. À bien y regarder, il n’y a rien de gênant à ce que ces Congolais qui sont nos compatriotes soient des ministres des Finances. Mais ce qui est embêtant c’est qu’ils viennent tous de la même partie du territoire national, parfois de la même ethnie et surtout de la même famille, ce qui pose un problème en termes d’éthique, de démocratie et de cohésion nationale. Il ne serait pas abusé de dire que tous les postes régaliens au sein du gouvernement de monsieur Denis Sassou Nguesso sont trustés par les ressortissants du Nord ; c’est du tribalisme périmé et un régionalisme rétrograde qui, à l’heure actuelle comme dans l’avenir, représente un réel danger pour la promotion et l’épanouissement d’une nation congolaise, en paraphrasant feu Ruben Um Nyobe, secrétaire général de l’Union des population du Cameroun (UPC), militant indépendantiste et anticolonialiste camerounais.
La nomination de Christian Yoka au poste de ministre des Finances, du Budget et du Portefeuille public en République du Congo semble marquer une stratégie visant à renforcer les relations entre le pouvoir en place et des partenaires internationaux clés, notamment la France, tout en cherchant à répondre aux défis économiques internes. Il y a lieu de savoir que participer à un gouvernement c’est en assumer la vision et le bilan politique, car selon la formule consacrée les ministres sont nommés, sur proposition du Premier ministre, par décret du président de la République. Ils ont une mission politique d’impulsion et de mise en œuvre de la politique gouvernementale. Tout ceci implique une solidarité et une cohésion gouvernementales.
Nous sommes devant un compromis stratégique acceptable entre Paris et Brazzaville car la France en s’impliquant dans la gestion des finances publiques du Congo-Brazzaville, veut d’abord garantir ses revenus coloniaux. Par ailleurs, si cette stratégie ne redonne pas une lueur d’espoir au peuple congolais, la France risque de subir le même sort que dans les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) où, elle a perdu pied.
Le profil de monsieur Christian Yoka, ancien cadre de l’Agence Française de Développement (AFD), illustre un choix calculé. Sa nomination est une tentative de maintenir un équilibre entre les intérêts français au Congo-Brazzaville, qui se sentent débordés par les Italiens avec la société pétrolière Eni, les Chinois et les Turcs, et la nécessité pour le régime de monsieur Denis Sassou Nguesso de trouver des interlocuteurs crédibles auprès des institutions internationales pour restructurer son économie. Ce choix pourrait rassurer la France et les bailleurs de fonds quant à une gestion rigoureuse et techniquement compétente des finances publiques congolaises. Se dessine également un conflit d’intérêts de la part du nouveau ministre des Finances, du Budget et du Portefeuille public pour savoir qui des intérêts de la France ses mentors, du Congo-Brazzaville son pays ou de sa famille biologique va-t-il privilégier ? C’est la quadrature du cercle !
L’on pourrait croire qu’avec une expérience certes non négligeable dans les finances internationales, monsieur Christian Yoka pourrait servir de figure technocratique capable de négocier avec des institutions telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, tout en mettant en œuvre des réformes économiques exigées pour les financements extérieurs. Les illustres prédécesseurs de ce dernier, certains des professionnels de la politique, ont tous été vantés auparavant comme des financiers ou des économistes aguerris avec les résultats catastrophiques que nous connaissons. Quelles seront la formule magique et les marges de manœuvres de monsieur Christian Yoka pour sortir notre pays de la mouise ? Ce dernier n’a aucun poids politique pour s’opposer aux difficiles arbitrages à venir en matière économique. Son poids familial est de préserver les intérêts de cette dernière au détriment du peuple congolais comme cela a toujours fonctionné jusqu’à ce jour ; les chiens ne font pas des chats. Mais l’on pourrait s’attendre à une mutation génétique pour le bien du peuple congolais. Cependant, il faut toujours se méfier des monstres qui peuvent nous échapper.
La République du Congo est confrontée à des défis économiques colossaux, notamment une dette publique élevée, une dépendance excessive aux recettes pétrolières, un frein majeur à la stabilité de la croissance dépendant des facteurs exogènes du marché international, une économie peu diversifiée, et une corruption endémique.
Monsieur Christian Yoka devrait s’atteler à renégocier les dettes avec les créanciers internationaux, à accélérer les réformes pour diversifier l’économie, et à lutter contre la corruption en améliorant la transparence dans la gestion des finances publiques. L’une de ses plus grandes tâches serait d’arriver à faire l’audit de la société nationale des pétroles du Congo (SNPC), la vache à lait de la famille Sassou Nguesso, afin de ramener les recettes réelles de la SNPC au trésor public, en vue de répondre aux exigences du FMI en freinant l’évaporation des capitaux. Il en est de même des audits de la douane, des impôts et du trésor public pour le compte de la fiscalité.
Pour le clan Sassou Nguesso, la nomination de monsieur Christian Yoka est un pari sur la continuité, avec cette façade de technocrate de l’Agence française de développement qui a paupérisée l’Afrique notamment le Congo-Brazzaville au lieu d’assurer son développement.
La réussite de monsieur Christian Yoka dépendra non seulement de son expertise, mais aussi de son autonomie face aux réseaux d’influence politique et familiale. Son succès dépendra de sa capacité à transcender les différents courants nuisibles, à mettre en œuvre des réformes structurelles dans un environnement où, les intérêts politiques prédominent souvent sur les impératifs économiques. Il faudra également nettoyer les écuries d’Augias du ministère des Finances, des directions de la douane, des impôts et du trésor public, revoir la fiscalité des grandes entreprises pétrolières, parapétrolières, minières et forestières qui ne payent pas les impôts normalement dus au trésor public, et nettoyer le fichier salarial des fonctionnaires dont près de la moitié sont des fonctionnaires fictifs qui plombent la masse salariale de notre pays. Le ministre des Finance est le garant de l’orthodoxie financière, et il a en charge la gestion de tous les titres, les propriétés et les participations de l’État congolais.
La restructuration de l’économie congolaise doit avoir pour finalité l’amélioration des conditions de vie des Congolaises et des Congolais, et non un taux de croissance à deux chiffres.
Face aux défis structurels majeurs, le peuple congolais se questionne sur la capacité de monsieur Christian Yoka à répondre aux attentes d’un pays en quête de renouveau économique.
En tout état de cause, monsieur Christian Yoka ne mettra en place que la politique voulue par son cousin monsieur Denis Sassou Nguesso qui peut, comme la Constitution l’y autorise, mettre fin à ses fonctions de ministre des Finances.
Quid du Programme National d’Optimisation de la Trésorerie (PNOT), de la cacophonie entre le GUP (Guichet Unique de Paiement) et le CUT (Compte Unique de Trésor) ?
Le peuple congolais est appelé à se mobiliser, car comme l’a dit Albert Einstein : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ».
Seule la lutte libère, car le seul choix à faire est celui du peuple congolais dans son ensemble.
Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA
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