Comme souvent avec le sens de l’humour qu’on lui connaissait, le Chef Nino aimait dire : « Mes amis, le jour de ma mort ne restez point à pleurer devant ma tombe. Je ne serais plus là, je ne dormirais point. Je serais déjà parti au pays du bonheur éternel ».
C’est donc à 77 ans que Nino Malapet perdait son dernier combat contre la maladie. Mais toute sa vie il aura allongé les limites de l’existence et à se battre contre la fatalité.
C’était à nouveau la mort pour un autre musicien légendaire des Bantous de la capitale. La génération “adulte” de la rumba et de la salsa possédait en Dieudonné Nino Malapet l’un de ses artistes les plus sûrs.
Nino MALAPET le virtuose
Pilier de la musique congolaise, avec une carrière qui a duré plus de cinquante ans, Nino Malapet est un des noms incontestables de la rumba et de la salsa. Son œuvre, d’environ une centaine de compositions, est l’une des plus belles de l’histoire de la musique congolaise et nombre de ses morceaux dans « Atomic Jazz » (1954), « Negro Jazz » (1954-1956), OK Jazz (Déc.1956 – Janv.1957), Rock-A-Mambo (1957-1961) et Les Bantous (1961-2012) sont considérés aujourd’hui comme des standards incontournables.
On rencontre son nom sous celui d’une théorie de saxophonistes et de chefs d’orchestre. Doté d’une grande culture de la Rumba et de l’afro-caribéen (il faut être attentif aux citations dont il émaille certains arrangements). Nino Malapet doit une partie de la netteté et de l’ingéniosité de ses partitions à son admiration de toujours pour Fud CANDRIX, tandis qu’il tient sa virtuosité et son modernisme de la fréquentation des sites discographiques de la Nouvelle Orléans (USA) et de Cuba
01– Dieudonné Nino MALAPET, avec ses attitudes désopilantes, son saxo coudée, ses onomatopées irrésistibles, conjuguant de la même façon, la rigueur et l’indépendance, parvient à s’intégrer fort bien au Rock’A-Mambo, laissant admirer un toucher d’une surprenante finesse.
Beaucoup d’intelligence, beaucoup de technique, beaucoup d’idées : c’est bien, en effet ce qui caractérisait le virtuose du saxo Nino Malapet et dont s’émerveillaient ses admirateurs du Rock’A-Mambo, adeptes du cha cha cha.
02– Son enfance, ses études, sa première profession
Né à Brazzaville le 8 Mars 1935. De bonnes études primaires conduisent Nino Malapet à Paris où il accompagne son oncle Emmanuel Damongo Dadet. Tous les deux s’embarquent le 30 Septembre 1948 à Pointe-Noire, sur le S/S « Canada » pour débarquer quinze jours plus tard à Marseille. Emmanuel Damongo Dadet est à l’époque conseiller territorial français et surtout grand saxophoniste du groupe Melo-Congo de Brazzaville dont il était le chef dans les années 40 et 50.
A Paris, Nino Malapet ne prête qu’une oreille distraite aux mathématiques. C’est ainsi qu’il essaie d’apprendre à jouer au piano et à la guitare. A l’expiration du mandat de son oncle, Malapet revient à Brazzaville où il continue ses études au Collège Chaminade au sortir duquel il s’engage au P.T.T. – Mais la passion de la musique le brûlera toujours. Il se désintéresse de son emploi qui ne soulève en lui aucun enthousiasme. Il offre cependant un grand éventail de possibilités rationnellement exploitées.
03– Sa carrière musicale
1954, Nino Malapet, alors guitariste participe avec Joseph Kaba, Edo Ganga et Bienvenu Beniamino à l’enregistrement aux Editions « Ngoma » à Léopoldville de deux disques dont deux compositions de Nino Malapet « Wapi Gigi » et « Vivita ». C’est cet embryon du groupe de Joseph Kaba dénommé « Atomic Jazz », qui donne naissance au cours de la même année à l’orchestre Negro Jazz de Brazzaville.
1955, de la guitare, Nino Malapet embauche déjà le saxophone dans le style des grands. En 1956, c’est au tour des Editions « Loningisa » de faire appel à ses talents. Il accompagne plusieurs orchestres en studio en compagnie du saxophoniste français Henriot, particulièrement les groupes Watam, Lopadi et l’OK Jazz dont il est le premier saxophoniste en Décembre 1956. On lui doit des partitions inédites dans les titres comme « Aimé wa Bolingo » d’Edo Ganga, « Oyé oyé oyé » de Luambo Franco et bien d’autres. Mais c’est surtout dans l’orchestre Rock’A-Mambo, aux éditions « Esengo » que Nino Malapet va accorder au saxo le rôle primordial.
1957, Nino Malapet démissionne des Editions « Loningisa » et de l’OK Jazz, au moment où se disloque le Negro Jazz. Après quelques semaines Il retrouve ses vieilles connaissances : Essous – Lando « Rossignol » – Saturnin Pandi – Henri Bowane – Tshilumba Tino Baroza – Augustin Moniania « Roitelet » – Léon Nzambe « Sathan »… qui ont réussi à former aux nouvelles éditions « Esengo » du grec Dino Antonopoulos, un orchestre dont le succès va grandissant : Le Rock’A-Mambo.- Nino Malapet en devient facilement le chef d’orchestre. Comblant ainsi ses vœux, il insuffle à cette nouvelle formation musicale un sang nouveau. Comme en témoignent des titres à succès comme « Jalousie », « Panchita », « Micky mi quiero », « Mi cancion » « Tocami », Li duo Maravillas », etc. arrangés par Nino Malapet et rendus merveilleusement par le duo chant Joseph Kabaselle et Lando « Rossignol »
Nino Malapet, il faut le reconnaître était passé maître dans l’art de composer les cha cha cha, et bien sûr de faire monter la tension. Avant tout, c’est donc le stratège qu’on apprécie en lui. Le Rock’A-Mambo fournissait une musique agréable, pour ne pas dire « swinguantes » dans laquelle on s’installe aisément en piste et l’on se plait à danser sans fin. Cohérence et cohésion tel était le point fort du Rock’A-Mambo dont chacune des ses apparitions était pour son chef Nino Malapet l’occasion d’une démonstration de son savoir faire au saxo et dans les arrangements.
1959 – Inspirateur du retour au bercail des musiciens brazzavillois évoluant à Léopoldville (Kinshasa) , Nino Malapet, hélas ! Sera absent le 15 Août 1959 à Brazzaville lors de la première sortie de l’orchestre Bantou « Chez Faignond ». Il opte pour la continuation avec l’Orchestre Rock’A-Mambo. Avec Nedule « Papa Noël » comme l’un des plus intéressants guitaristes soliste de sa génération et Lando « Rossignol » comme chanteur remarquable, Nino Malapet a su combiner intelligemment les influences des partants (Essous-Pandi) pour se créer un style un peu versatile mais avec plus de complexité rythmique et harmonique.
1961, le Rock’A-Mambo de Nino Malapet s’éclate à Pointe-Noire. Resté seul, Nino Malapet rejoint Brazzaville où il s’inscrit au Centre d’Enseignement Supérieur. Il prend les cours de droit, ça mort, mais pas pour longtemps, car obsédé par la musique, il rejoint Les Bantous et son alter ego Jean-serge Essous. Tous les deux interprètent avec un grand sentiment d’amour et au désir de transmettre aux mélomanes les plus sensibles une saga de grande portée culturelle, afin de garder la flamme qui allait désormais se perpétuer au Congo et dans le monde.
1966, du 1° au 24 Avril 1966, Nino Malapet et Les Bantous ont l’honneur de représenter la musique congolaise au 1° Festival Mondial des Arts Nègres à Dakar, et à l’issu duquel Jean-Serge Essous, alors chef d’orchestre choisi le chemin de l’exil. Nino Malapet reprend la direction de l’orchestre. Le retour de Jean Serge Essous en 1971 ne change rien. Nino Malapet conduit l’orchestre en collaboration étroite avec son alter ego Jean-Serge Essous.
A partir de 1999 et surtout après la crise qu’à connu Les Bantous après la guerre civile de 1997, Nino Malapet va peu à peu connaître un certain déclin. Sa santé chancelle, ses médecins lui interdissent de souffler de son instrument, suivi d’une cure de santé à Libreville au Gabon. Néanmoins, il a continué à diriger le groupe jusqu’après la disparition de Jean serge Essous le 25 Novembre 2009.
L’aspect fondamental que les virtuoses du saxo Dieudonné Nino Malapet et Jean-Serge Essous ont su donner les moyens d’agir, les dernières années avant leur mort, était la capacité de projection à se développer dans la formation et la promotion des jeunes talents pour une mutation coordonnée.
Avec la disparition de :
– Saturnin Pandi (14/11/1996) – Daniel Loubelo “De la lune” (01/11/2006) – Jean-Serge Essous (25/11/2009) – Nino Malapet (29/01/2012) et Célestin Kouka “Célio” (29/08/016) on peut se satisfaire du travail accompli. Toute la responsabilité des Bantous est depuis dans les mains de l’un des deux derniers cofondateurs encore vivants en 2020 : Edouard Ganga Edo (né le 27/10/1933 – 87 ans). Etant entendu que le 2ème cofondateur encore vivant est le kinois : Dicky Baroza (80 ans), guitariste-soliste qui ne fait plus partie du groupe depuis 1961.
Clément OSSINONDE
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