Denis Sassou-Nguesso passe par la forêt congolaise pour revenir à l’Elysée

 

Le premier échange bilatéral entre Emmanuel Macron et le président du Congo-Brazzaville a permis d’annoncer un accord sur la lutte contre la déforestation en Afrique centrale.

Le 11 juillet, Emmanuel Macron avait convié le gratin de la diaspora africaine pour échanger avec son invité du jour, le vivifiant président ghanéen Nana Akufo-Addo. Pour le Congolais Denis Sassou-Nguesso, avec qui il était prévu que l’entretien du mardi 3 septembre soit dominé par la protection de la forêt en Afrique centrale au moment où l’Amazonie flambe, l’Elysée n’a en revanche envoyé aucun carton d’invitation aux défenseurs de l’environnement.

Dimanche soir, la rencontre ne figurait pas à l’agenda que l’Elysée transmet chaque semaine à la presse. L’annonce du « déjeuner de travail » entre les deux présidents n’est apparue que mardi matin. « L’agenda n’était pas encore calé dimanche et cette visite n’avait pas vocation à avoir une sortie médiatique », dit-on dans l’entourage du chef de l’Etat français, réfutant toute volonté de dissimulation.

Pour la France, Denis Sassou-Nguesso est de ces amis utiles en coulisses mais qu’on préfère garder loin des projecteurs. Une incarnation d’un temps ancien qui n’a pas encore disparu. L’homme est arrivé au pouvoir en 1979. Il l’a reconquis par les armes en 1997 et tout porte à croire qu’il n’entend pas passer la main lors de l’élection prévue en 2021. Son principal opposant, le général Jean-Marie Mokoko, croupit en prison depuis 2016, condamné à vingt ans de réclusion pour « atteinte à la sécurité de l’Etat ». Et sa gestion des finances publiques, lorsqu’elle ne fait pas l’objet d’enquêtes de la justice française, comme dans l’affaire dite des biens mal acquis, est régulièrement épinglée par les ONG.

Un accord de 65 millions de dollars

Depuis son élection, Emmanuel Macron s’en était tenu à une poignée d’entrevues lors de réunions internationales et à quelques coups de fil. Le soin d’entretenir la relation bilatérale avec cet acteur de poids sur les dossiers de la Centrafrique ou de la République démocratique du Congo (RDC), également à la tête du Comité de haut niveau de l’Union Africaine sur la Libye, avait été laissé jusque-là au chef de la diplomatie, Jean-Yves Le Drian.

« Ne pas recevoir Sassou n’a pas amélioré les choses à Brazzaville. Le président traite l’Afrique comme elle est : en connectant la France à toutes ses possibilités, comme en utilisant les leviers que nous possédons dans certains pays francophones », plaide une source officielle.

En l’occurrence, plutôt que de conditionner ce premier tête-à-tête à une ouverture démocratique, la présidence française a accepté la rencontre après que le Congo a trouvé un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), le 11 juillet. L’institution a accordé à Brazzaville un plan d’aide de 448,6 millions de dollars (environ 410 millions d’euros) sur trois ans, en contrepartie notamment d’une restructuration de la dette envers la Chine et d’un grand nettoyage des finances de l’Etat.

Sans en faire la publicité, Paris a insisté pour que l’entrevue organisée mardi coïncide avec l’annonce d’un accord de 65 millions de dollars pour la protection des forêts congolaises. Ce projet, en discussion depuis plusieurs mois dans le cadre de l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI), aurait dû être officialisé le 23 septembre à New York, en marge de l’assemblée générale des Nations unies. Lancée en 2015, cette initiative qui a pour objectif de financer la protection des forêts des six pays du bassin du Congo rassemble plusieurs bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux. La Norvège est de loin le plus important contributeur.

Mais après le G7 de Biarritz, où Emmanuel Macron s’est posé en avocat de la lutte contre la déforestation, la visite de Denis Sassou-Nguesso est soudain apparue comme l’occasion parfaite de donner corps aux promesses faites aux Africains. « La forêt brûle également en Afrique subsaharienne. Nous sommes en train d’examiner la possibilité d’y lancer une initiative similaire à celle que nous venons d’annoncer pour l’Amazonie », avait tweeté Emmanuel Macron depuis Biarritz, le 26 août. La France, qui exerce la présidence de la CAFI jusqu’à la fin de l’année, a demandé à accélérer l’agenda, pour la plus grande satisfaction du maître de Brazzaville, qui aime à se présenter comme soucieux d’environnement et de développement durable.

Découverte d’hydrocarbures

La forêt couvre 70 % du Congo, soit l’équivalent de la Grèce et du Portugal réunis. « Il s’agit d’un engagement au plus haut niveau qui témoigne de l’importance que le Congo accorde à ses forêts. Après des années d’efforts, cela est enfin reconnu », commente la ministre de l’environnement et du tourisme, Arlette Soudan-Nonault, présente à Paris.

Les 65 millions de dollars promis mardi dans la lettre d’intention signée avec la CAFI doivent permettre de soutenir la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts. Parmi les engagements figure celui de ne pas dépasser 20 000 hectares de défrichement par an, en dehors des zones les plus riches en termes de stockage de carbone et de biodiversité, qui devront être épargnées.

Mais il est surtout inscrit que le pays ne favorisera pas d’activités qui entraîneraient le drainage et l’assèchement des tourbières dont il possède, avec la RDC voisine, les étendues les plus vastes en milieu tropical. S’agit-il d’une garantie de ne pas livrer à l’exploitation pétrolière ces zones marécageuses, gigantesques réservoirs de carbone (30 milliards de tonnes de CO₂, soit l’équivalent de trois années d’émissions mondiales liées aux énergies fossiles) ?

La rapidité de la déforestation en Amazonie et en Indonésie explique que les bailleurs de fonds étrangers ont concentré leurs premiers financements sur ces deux bassins tropicaux. Mais la mauvaise gouvernance commune aux pays de la région justifie aussi leur frilosité. En RDC, où la CAFI a signé un premier accord de 200 millions de dollars en 2016, le financement des programmes d’aménagement forestier a dû être suspendu après l’attribution illégale de concessions par le gouvernement. Au Congo, tous les fonds transiteront par des agences de coopération étrangères. L’urgence n’exclut pas le réalisme.

Laurence Caramel et Cyril Bensimon

5 thoughts on “Denis Sassou-Nguesso passe par la forêt congolaise pour revenir à l’Elysée

  1. Méfiez-vous des pseudo-Kongos qui défendent monsieur Jean Marie Michel Mokoko non pas sur la base des droits de l’homme mais sur la politique, dans le contexte présent; historique.

    ATTENTION – ATTENTION, MEFIEZ-VOUS D’EUX comme de la PESTE !

  2. Les projets pour la nation Congolaise doit être financier par le gouvernement Congolais. Pas par les pays en dehors de la nation. Le Congo Brazzaville doit etre parmis les membres du conseil de sècuritè de l ONU pour pouvoir faire entendre la voix de notre territoire basè sur les conclusions de la science politique.

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