C’est une grande première dans l’histoire francophone. Une association évangélique attaque en justice le ministère de l’intérieur français via la Miviludes. Et pour cause, le rapport 2024 de la MIVILUDES qui traite des dérives sectaires et accuse Impact Centre Chrétien (ICC) des pratiques manipulatrices, tant sur le plan psychologique, social, corporel, spirituel que financier.
C’est « l’affaire de tous les dangers », a commenté un magistrat au sujet des allégations graves qui ont suscité l’ire des cofondateurs de l’ICC, Yvan et Yves Castanou et leur église. D’Abidjan à Luanda et Barcelone, où nous venons d’effectuer un périple de 96 heures, l’affaire fait grand bruit. En France, pendant ce temps, des médias et plusieurs officines sont déconcertés par ces allégations qui reposent sur des éléments méthodologiquement fragiles.
Le rapport de la MIVILUDES repose en grande partie sur des témoignages et des déclarations de personnes ayant vécu des expériences négatives avec l’église mère d’ICC. Cependant, ces témoignages ne permettent pas d’étayer objectivement les accusations portées.
En effet, la Miviludes n’a pas mené des enquêtes systématiques et des audits financiers pour valider les allégations concernant la manipulation financière et le contrôle psychologique des membres de cette église. À ce jour donc, aucune vérification indépendante et approfondie n’a été réalisée pour étayer ces accusations, notamment celles de pression financière liée aux dons ou de pratiques coercitives (mentionnées en pages 118-120). Pire, l’appel aux dons n’est pas une pratique spécifique de l’ICC. Tenez, pour la reconstruction de Notre dame de Paris, 846 millions d’euros ont été récoltés auprès de 340 milles donateurs de 150 pays.
De même, ce rapport souligne que l’ICC recourt à des techniques de manipulation psychologique sans distinguer clairement les actions de l’organisation dans son ensemble de celles de certains individus. Une telle généralisation s’avère trompeuse. En effet, l’ICC, comme toute organisation, est composée de membres aux comportements variés. Il est donc plus pertinent d’analyser les pratiques spécifiques à l’organisation ou prônées par des responsables identifiés, plutôt que de présenter une image de l’organisation dans son ensemble et de la déclarer systématiquement manipulatrice.
La MIVILUDES a-t-elle produit un rapport biaisé ?
Le rapport repose principalement sur des signalements reçus de personnes anonymes ayant quitté l’église. Il n’y a pas de témoignages des membres qui sont restés dans l’organisation ou qui ont eu des expériences positives. Ce manque d’équilibre crée un biais ou une distorsion dans la collecte des données.
Dans cette perspective, une comparaison des pratiques observées au sein de ICC à celles des autres organisations culturelles ou spirituelles similaires est nécessaire en vue de conclure à des dérives sectaires. Une telle comparaison aurait offert une perspective plus équilibrée et nuancée des accusations formulées. C’est le cas de la problématique du consentement éclairé dont l’analyse dans le contexte de l’ICC doit prendre en compte, non seulement la nature des enseignements, mais aussi la manière dont les individus s’engagent librement et volontairement. Dans ce sens, le rapport MIVILUDES ne mentionne pas qu’à la différence des autres organisations, ICC ne baptise que des adultes, en âge de consentir librement à cet engagement spirituel. Cela contraste avec les autres traditions, comme dans le catholicisme, où les enfants sont baptisés dès leur plus jeune âge, ou dans l’islam, où le consentement des jeunes enfants n’est pas requis pour certaines pratiques religieuses.
Ne se reconnaissant pas à travers ce rapport qui a été ventilé auprès de plusieurs institutions, missions diplomatiques et ministères dont, la primature française, l’ICC a déposé une plainte avec constitution de partie civile en diffamation publique au Tribunal judiciaire de Paris. Désormais, il revient à la Miviludes de démontrer en quoi de tels griefs sont fondés et ne constituent pas des dénonciations calomnieuses.
Prélude de revenir sur l’affaire ICC et ces multiples facettes, il sied de dire, que la justice est basée sur des preuves. La Miviludes risque d’être confondue à nouveau comme dans l’affaire Kibboutz de Malrevers où elle a été sanctionnée par le Tribunal administratif de Paris (TA Paris, 21 février 2025 n° 2307350). Si les faits ne sont pas avérés, les auteurs des signalements, en d’autres termes, la Miviludes qui les protègent, encourront des peines pour dénonciation calomnieuse tel que prévu par les dispositions de l’article 226-19 et suivant du code pénal. Selon certaines indiscrétions, c’est en réalité, les têtes des pasteurs de ICC en général et des deux cofondateurs (Yves et Yvan Castanou) qui sont mis à prix.
Ghys Fortune BEMBA DOMBE
Écrivain – Journaliste d’investigation – Expert en Cybersécurité et Consultant en Communication et sur les questions de sécurité et de paix.
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