Congo : Où allons-nous ? Une jeunesse livrée, un avenir incertain

À la lumière de ce que nous lisons, voyons et entendons chaque jour sur les réseaux sociaux, il devient de plus en plus difficile d’ignorer une question fondamentale : Quel est l’avenir  ou plutôt le devenir du Congo ?

Le discours officiel continue de vanter les mérites d’une démocratie qui, en réalité, n’en a que le nom. Les élections sont devenues des simulacres, les institutions sont instrumentalisées, et les libertés fondamentales sont constamment piétinées. La démocratie, telle qu’elle est appliquée au Congo, semble davantage être une vitrine destinée à la communauté internationale qu’un réel contrat social avec le peuple.

L’économie congolaise, censée embrasser les principes du libéralisme, est en réalité otage d’un système de prédation et de rente, orchestré par un parti le PCT qui est passé sans transition du dogme communiste à un capitalisme de connivence. Ce parti, incapable d’offrir une véritable vision économique pour le pays, continue d’étouffer toute initiative nouvelle, toute créativité, toute alternative politique ou entrepreneuriale.

Face à cet échec patent, le plus sage serait de reconnaître l’impasse, de tirer les leçons et d’ouvrir la voie à d’autres sensibilités, à d’autres projets, à une autre génération. Mais non. Le pouvoir en place s’arc-boute, s’enracine, s’accroche. Au lieu d’encourager la relève, il la redoute. Plutôt que de favoriser l’alternance, il préfère neutraliser toute possibilité de changement.

C’est ici que les choses deviennent inquiétantes : à défaut de bâtir, on détruit. À défaut d’inspirer, on pervertit. À défaut d’éduquer, on abrutit. La jeunesse congolaise est aujourd’hui victime d’une stratégie subtile mais redoutable : une entreprise de déconstruction morale, culturelle et identitaire. Ce que d’aucuns appellent, non sans une pointe de provocation, le phénomène de la « double SIM, lélé » chez les jeunes ne se limite guère à une affaire de sexualité ou de légèreté. Il incarne, en profondeur, une forme insidieuse de domestication mentale, une érosion des repères, un affaissement de la conscience et de l’ambition.

L’ingénieur qui, un jour, conçut la carte SIM n’aurait sans doute jamais imaginé que son invention donnerait lieu à une version plus perverse, plus sadique, sur les terres d’Afrique centrale : une double insertion, non plus dans un téléphone, mais dans les corps et les esprits, au service d’un système qui marchande l’intime et consume l’estime de soi.

Et l’ironie du sort, aussi cruelle que savoureuse, veut que le nom du concepteur de la carte SIM aurait presque pu être « Sime » — un patronyme pourtant bien réel, porté par nombre de citoyens en Afrique centrale. Comme si la technologie, le destin et l’identité s’étaient donné rendez-vous dans une farce tragique, mêlant les fils du numérique à ceux d’une société en perte de repères.

Ce que nous observons aujourd’hui au Congo dépasse ses frontières. C’est une dynamique régionale, insidieuse, destructrice, qui déshonore les peuples et fragilise les nations.

Souvenons-nous de l’« affaire Balthazar » en Guinée équatoriale : ces pères de famille, contraints de s’agenouiller, le visage enfoncé dans la poussière, anéantis par la diffusion d’images insoutenables dévoilant l’intimité bafouée de leurs épouses. Une humiliation à la fois publique, intime et profondément symbolique. C’est toute une société qui, sous le poids du scandale, s’est retrouvée plongée dans le voyeurisme et la soumission, spectatrice de sa propre déchéance.

Et comme si cette scène tragique ne suffisait pas à éveiller les consciences, voici qu’au Cameroun, un ancien commissaire de police, pris dans les rets d’un système obscur, a dû fuir son propre pays. Son tort ? Avoir refusé de se soumettre à une exigence abjecte : abdiquer sa dignité contre la promesse d’une ascension hiérarchique, d’un confort illusoire, d’un avenir doré. On lui proposait la carrière, mais à condition de baisser son caleçon — au propre comme au figuré.

Ce n’était plus une invitation, c’était un ultimatum. Là encore, l’intime devient une monnaie de pouvoir, la soumission un passeport social.

Ainsi va aujourd’hui l’Afrique centrale : non pas à la dérive, mais lancée à vive allure sur une autoroute sans ralentisseurs, sans garde-fous, sans conscience. Une course effrénée vers l’abîme, où la promotion se paie par le reniement de soi, et où le silence devient un outil de survie.

Ce n’est plus simplement une crise morale, c’est une fabrique du consentement, une normalisation du déshonneur. Le scandale n’éclate plus, il s’installe.

Ces faits ne sont pas des faits divers. Ce sont des alertes. Ils traduisent un phénomène plus profond
une banalisation de l’humiliation, une instrumentalisation des corps pour asseoir le pouvoir
une perte de repères éthiques, familiaux, institutionnels.

L’Afrique centrale est aujourd’hui comme une autoroute sans ralentisseurs, sans limitations, sans barrières morales. Une course folle où le contrôle est abandonné, où l’homme est réduit à son obéissance, où la femme est transformée en monnaie d’échange, où les plus jeunes n’ont plus de modèles dignes.

Il est urgent d’ouvrir les yeux. De dénoncer ces pratiques. De redonner à nos sociétés leur colonne vertébrale : la dignité humaine, la vérité, la justice. Si nous ne faisons rien, c’est l’humanité même de nos peuples qui est en jeu.

Dénoncer de telles dérives ne saurait être interprété comme une opposition aux choix individuels, tant que ceux-ci demeurent dans le cadre de la liberté privée, exercée avec pudeur et retenue. Mais si l’on prétend qu’il s’agit d’affaires strictement personnelles, alors qu’on ait la décence de les vivre dans le silence de son intimité, sans en faire l’étendard d’un mode de vie national ou régional. Car dès lors que ces pratiques quittent les chambres closes pour envahir l’espace public, dès lors qu’elles sont érigées en normes tacites, en conditions de réussite ou d’intégration, elles ne relèvent plus du privé, mais du politique, du social, du collectif.

Et que dire de ces scènes, entendues jusque dans les couloirs d’un hôtel de Brazzaville, dont les échos déshonorants continuent de résonner dans nos esprits comme le symbole assourdissant d’un effondrement moral qui ne dit pas son nom.

                                                                                     Par Yomard Michel DOUNIAMA

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