Congo : Politique publique d’endettement (2023–2025), un suicide collectif

La politique d’endettement du Congo est masquée par une pseudo-technicité. Alors que le pays peine encore à solder les conséquences de la crise de la dette des années 2010, le retour préoccupant au réflexe d’endettement démontre une capitulation de la nouvelle équipe de l’argentier Christian Yoka (C.Y) face aux injonctions des sicaires trop heureux de trouver le parfait bouc* *émissaire masquant leurs turpitudes.

En 110 jours de gouvernance, des finances, du budget et du portefeuille public du Congo, C.Y s’engage dans une logique de surendettement. Cette stratégie récemment amorcée, consistant à contracter de nouvelles dettes bancaires entre 6,5 % et 7%, marque une mauvaise gestion des finances publiques. Plutôt que de tirer les leçons d’un passé marqué par des restructurations (PNOT en 2024), C.Y opte pour un refinancement, sans cadre rigoureux de viabilité de la dette à long terme.

Pire, cette dette, désormais contractée sur les marchés privés et bancaires, échappe aux standards de transparence exigés par les partenaires internationaux, dont le FMI. L’échec enregistré sur les opérations du 2 avril 2025 ou le Congo a échoué à mobiliser 45 milliards de f cfa malgré 36,5 milliards de remboursement est la preuve d’un début séquences difficiles pour cet État qui projette d’importantes levées de fonds sur le marché des titres publics pour survivre en 2025. Conséquences : le règlement des salaires a pris du retard pour la deuxième fois en trois mois d’exercice ministériel.

L’illusion d’une restructuration stratégique

Le mandat d’arrangeur confié à M. Gilles Tchamba, PDG de l’Archer Capital SA, ancien coreligionnaire à l’ESGAE de Sylvère Dongou alias « Zidane » a une valeur totalement indécente de 1000 milliards (soit 1,5 milliard de dollars !) si cela se confirme. Il s’agit de 40% du PIB national. On sait que l’Archer prend une commission de 5% au minimum, ce qui représente 50 milliards cadeau à ce circuit dans lequel on retrouverait le Dircab de C.Y, Paul Malié et le puissant réseau des Bamilékés implanté par les ex responsables de Uba.

L’activité de ce réseau gangrène toujours la place financière de Brazzaville. Présentée comme un levier de « gestion active » de la dette, cette opération de 1.000 milliards n’est en réalité qu’un artifice de communication pour habiller une opération de refinancement de court terme (les élections), sans réforme structurelle du cadre budgétaire. Il ne s’agit pas ici d’investir dans des projets productifs. Il s’agit, tout simplement, de payer la dette par la dette. Une cavalerie financière à peine dissimulée, opérée dans un contexte de faible mobilisation des recettes internes, de gouvernance incertaine, et de soutenabilité déjà fragile. Il faut empêcher cette opération qui pèsera sur les générations futures.

Les marchés bancaires comme substitut à la discipline budgétaire

Le recours aux financements bancaires à 6,5–7% laisse apparaître plusieurs dérives :

i) la substitution du marché domestique aux prêts concessionnels, car on préfère s’endetter cher et rapidement, plutôt que de se plier aux exigences des bailleurs internationaux ;

ii) l’évitement des contrôles multilatéraux, puisque la supervision du FMI, des institutions régionales (BEAC, COSUMAF) ou des agences de notation est contournée, voire ignorée ;

iii) le renchérissement du service de la dette, car, à taux égal, une dette bancaire coûte au moins deux fois plus qu’un financement multilatéral ou bilatéral concessionnel. Cela aggrave l’effet d’éviction budgétaire.

Les données des rapports du FMI l’attestent clairement : le service de la dette (principal + intérêts) explose. Il est passé de 117 milliards FCFA en 2010 à plus de 930 milliards FCFA au 30 juin 2022, soit près de 8 fois plus en 12 ans. Le poids des intérêts seul dépasse souvent 200 milliards FCFA par an, ce qui grève lourdement les marges budgétaires disponibles pour l’investissement public. Le recours aux créanciers commerciaux (Afreximbank, sociétés chinoises, etc.) est devenu la norme, représentant jusqu’à 43% de la dette extérieure en 2022.

Il s’agit d’un pilotage sans vision, car le Congo semble emprunter non pas en fonction d’un cadrage macroéconomique ou d’une stratégie de développement, mais en fonction de ses urgences de trésorerie. Cela trahit une absence de politique de gestion des risques (change, taux, refinancement), une déconnexion totale entre politique de financement et performance des politiques publiques et enfin une désinstitutionalisation du pilotage budgétaire, réduite à une logique de gestion de flux de dettes, sans vision de stock. La politique actuelle d’endettement s’apparente à un aveu d’échec budgétaire, maquillé sous une rhétorique de « gestion active de la dette ».

On emprunte désormais non pas pour investir, mais pour survivre. Cette logique est insoutenable à moyen terme, et prépare une nouvelle crise de solvabilité à l’horizon 2026–2027, à moins d’un changement radical de cap.

Prélude de revenir sur plusieurs aspects de la dette dont, sa soutenabilité et l’affaire Trésor public et autres qui font grand bruit au point de décréter la journée du 2 mai 2025 chômé payée dans l’optique de faire oublier les affaires Dongou, Mouaya et Cie, on peut conseiller aux congolais de copier la gouvernance Burkinabè du capitaine IB.

Ghys Fortuné BEMBA DOMBE

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