Malgré les tentatives de préservation de sa stabilité monétaire face à des chocs exogènes persistants, la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) est dans le collimateur de la diplomatie américaine qui a lancé le projet de loi « CEMAC Act » et, en même temps, dans le viseur de la France qui vient de convoquer ses sujets ce 17 avril à Paris.
Le dépôt au Congrès des États-Unis du projet de loi “CEMAC Act” révèle un malaise grandissant autour de la gouvernance des réserves de change de cette institution et de sa relation avec le FMI. Cette séquence diplomatique met en lumière un jeu d’équilibre fragile entre orthodoxie monétaire, pressions extérieures et souverainetés nationales, avec des implications profondes pour les pays les plus vulnérables de la sous-région. Au premier rang desquels le Congo-Brazzaville.
La « CEMAC Act » : une interpellation américaine sur la transparence financière
Le projet de loi déposé en mars 2025 par le représentant républicain Bill Huizenga — surnommé CEMAC Act — propose de suspendre l’appui des États-Unis aux décisions du FMI impliquant la CEMAC, tant que cette dernière n’aura pas procédé à une évaluation complète et vérifiable de ses réserves de change brutes. Officiellement, ce texte exige plus de transparence. Mais en réalité, il cible la BEAC, accusée d’opacité dans la gestion des fonds de restauration environnementale imposés depuis 2018 aux multinationales pétrolières opérant dans la sous-région.
Lesdits fonds destinés à financer la réhabilitation des sites d’extraction sont placés sous le contrôle de la BEAC, qui entend les inclure dans les réserves officielles de la zone. Pour les initiateurs du projet de loi, cette démarche va à l’encontre des standards du FMI, lesquels stipulent qu’une réserve de change doit être “disponible rapidement” et “effectivement contrôlée” par l’État. À leurs yeux, la BEAC ne remplit pas ces conditions, tout en refusant de lever son immunité souveraine, ce qui soulève des inquiétudes juridiques et financières à l’international. Ce projet de loi américain et la gestion des finances des pays de la CEMAC ont fait réagir Paris qui a illico convoqué les ministres des finances et de l’économie de la zone CEMAC pour un conciabule dont nous vous livrerons la teneur très bientôt.
Une orthodoxie monétaire défensive risque d’asphyxier la croissance
Face à ces accusations, la BEAC affiche sa volonté de rester fidèle à son mandat fondamental : garantir la stabilité extérieure de la monnaie régionale dans un contexte post-pandémique marqué par des vulnérabilités persistantes. En mars 2025, la couverture des importations dans la CEMAC est tombée à 4,8 mois, en dessous du seuil minimal recommandé par le FMI (cinq mois). En réponse, la BEAC a durci sa politique de réserves obligatoires et imposé aux IOC une date limite — le 30 avril 2025 — pour signer un accord sur la gestion des fonds environnementaux, avec à la clé des pénalités pouvant atteindre 150 % des montants dus.
Dans le même temps, le FMI reste prudent. Tout en saluant la stabilisation apparente des réserves (estimées à 7 584,9 milliards FCFA), il appelle à maintenir des taux d’intérêt élevés pour juguler l’inflation. Cette stratégie, bien qu’efficace sur le papier, risque de pénaliser la reprise économique dans plusieurs pays membres. En effet, les économies les plus fragiles, à faible diversification structurelle, subissent de plein fouet le renchérissement du crédit et la contraction de la liquidité bancaire.
Le Congo en dissidence silencieuse : entre contournement du franc CFA et « révolte » de souveraineté
Dans cette configuration tendue, le Congo se démarque. Confronté à des contraintes budgétaires structurelles, à une dette publique encore élevée et à une forte dépendance aux exportations pétrolières, le pays semble avoir pris ses distances vis-à-vis de la discipline monétaire régionale depuis le règne de Gilbert Ondongo. Au terme d’un accord conclu avec la BSCA Bank, établissement congolais à capitaux mixtes (54 milliards de capital) dont 50% détenus par la Banque agricole de Chine (ABC) ayant pour PCA, M. Gu Shu qui a effectué le déplacement de Brazzaville en septembre 2023. Une partie des réserves stratégiques de change du Congo est désormais domiciliée en Chine, en dehors du traditionnel Compte d’Opérations du Trésor Français. En clair, les 2200 milliards/an en moyenne planqués par les entreprises du fameux contenu local (dont nous avons déjà parlé) sont « exfiltrés » du Congo par cette voie.
Le Congo coincé
Selon certaines indiscrétions, quand la crise s’installe, le Congo est dans l’impossibilité de payer des salaires, absence de trésorerie, etc. Obligé, de « rapatrier » une infime partie de ce trésor de guerre avec la complicité de certains responsables de la BEAC (à confirmer). Pourtant cette pratique est strictement interdite.
Ce choix, hautement symbolique et politique, marque une tentative de desserrement du carcan du franc CFA français, dont la gestion centralisée à Paris via le Compte d’Opérations reste un sujet de débat international. En optant pour une domiciliation alternative, le pouvoir congolais réaffirme ses ambitions à une gestion autonome de ses actifs stratégiques, tout en s’alignant discrètement sur une logique de rééquilibrage géopolitique vers l’Asie, en particulier la Chine et les Emirats Arabes Unis (EAU) qui viennent de recevoir M. Sassou pour la énième fois.
Mais cette dissidence silencieuse soulève des questions. Peut-on durablement participer à une union monétaire tout en contournant ses principes fondateurs ? Quelle crédibilité accordée à une convergence régionale fondée sur des règles que certains États jugent pénalisantes ? Le CEMAC Act, en mettant à jour ces failles, offre une opportunité rare : réinterroger la gouvernance monétaire de la CEMAC, afin d’y intégrer plus de différenciation, de transparence et d’équité. D’ailleurs le Secrétaire Permanent actuel du Groupe d’Action contre le Blanchiment d’argent en Afrique Centrale (GABAC), M. André KANGA, parent de M. Sassou de Likendze (Loukolela), précédemment Directeur Général de l’Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF), organe central de la lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive (LBC/FT) au Congo. A ce titre, aurait couvert de nombreuses enquêtes graves au sujet de crimes et délits économiques de haut niveau parmi les élites congolaises et leurs familles. Plusieurs dossiers, bien étayés, retracent de concert avec la CID et la DGSP les circuits de vols et de concussion à très haut niveau de plusieurs « champions économiques » étrangers et nationaux sur la place de Brazzaville (Nous y reviendrons en détail et très longuement).
Pax Vobis !
Ghys Fortuné BEMBA DOMBE
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